GRANDVILLE : BRYAN TALBOT ET L'EMPIRE DES ANIMAUX
Les Romances Scientifiques de l'Inspecteur LeBrock de Scotland Yard...
Enfilez votre redingote et mettez votre plus beau chapeau melon, nous embarquons dans l’aéronef direction Grandville, la série de Bryan Talbot, dont la version française est complète en cinq volumes chez Delirium !
Bryan Talbot est une figure majeure de la bande dessinée anglo-saxonne.
Né en 1952 à Wigan, près de Manchester, il se passionne très tôt pour les arts et se forge rapidement une petite réputation dans le milieu underground avec ses premiers travaux pour Brainstorm Comix. En 1978, débute la publication de sa première œuvre notable : The Adventures of Luther Arkwright, une saga de science-fiction au parfum de Doctor Who qui va connaître une longévité remarquable et sera même adaptée en série audio.
Au cours de sa longue carrière, Bryan Talbot collabore avec de grands noms tels que Pat Mills, Alan Grant, John Wagner, Neil Gaiman, ou Alan Moore ; sur des séries comme Nemesis the Warlock, Judge Dredd, The Sandman, Sláine et Batman: Legends of the Dark Knight. À partir de 2009, fort de ses multiples expériences, tant au sommaire de publications indépendantes britanniques que dans les comic books mainstream des grands éditeurs américains, il entreprend d’édifier un tout nouvel univers, qui restera assurément comme l’une de ses plus belles créations : Grandville.
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Avec Grandville, Bryan Talbot nous entraîne dans une Europe fantasmée peuplée d’animaux anthropomorphes, et dominée par un Empire français conquérant, dirigé par Napoléon XII. Sa capitale, un Paris steampunk rebaptisé “Grandville”, est le centre d’un monde où les humains, appelés dédaigneusement “pâtes à pain”, sont relégués aux basses besognes et considérés comme une sous-espèce méprisable.
Au prix d’une sanglante révolte, l’Angleterre est parvenue à reprendre son indépendance, et ses résidents sont désormais traités comme des ennemis de l'Empire, qui traverse une crise politique sans précédent.
C’est dans cette poudrière sociale et institutionnelle que l’inspecteur Archibald LeBrock, blaireau bad-ass au service de Scotland Yard, mix improbable entre Sherlock Holmes et Arnold Schwarzenegger, doit mener l’enquête et résoudre plusieurs mystères, faisant face à des crimes et des complots qui l'emmèneront parfois jusqu’aux plus aux sommets du pouvoir.
Au fil des cinq albums qui constituent cette série, Bryan Talbot confronte LeBrock à Mastock, un serial killer en cavale, vieil ennemi de notre détective ; à des humains révolutionnaires en quête de justice sociale ; ou encore à une secte menée par un messie d'opérette aussi charismatique que manipulateur.
Pour s’en sortir, le mustélidé doit souvent faire preuve d’une bonne dose d’ingéniosité, mais aussi savoir jouer des poings dans des scènes d’action musclées, qui semblent parfois tout droit sorties d’un film de Quentin Tarantino.
Un climat explosif, des officiels corrompus, les luttes internes du crime organisé, ou encore la cupidité d’individus prêts à tout pour satisfaire leurs intérêts personnels, autant de facteurs qui ne vont pas faciliter la tâche de Lebrock et rendre ses missions encore et toujours plus ardues !
Bryan Talbot parvient à mêler avec beaucoup d’habileté polar, uchronie et grosses bastons dans ses intrigues aux petits oignons ; critiquant tour à tour une société vacillante, les dérives de ses politiques, et les travers de ses citoyens ; enrichissant ainsi sans cesse son Europe réinventée. Se faisant, il développe également le background de ses personnages : on s'attache rapidement à Archibald LeBrock, à son acolyte Roderick Ratzi, ou à l’incandescente Billie, et on vibre sans mal à leurs côtés au rythme des rebondissements qui se succèdent sans temps mort, grâce à un sens de la narration impeccable.
Une densité scénaristique qui ne devient jamais ennuyeuse, et qui brille par les éléments tant liés à la géopolitique du monde de Grandville qu’à l’histoire intime de chacun des protagonistes, que Bryan Talbot saupoudre dans chaque tome.
Sur le plan graphique, Talbot livre des planches vivantes, hyper dynamiques, et qui fourmillent de détails. Un plaisir pour les yeux, qui n'oublie pas de placer çà et là quelques clins d’œil très amusants.
Chacun des albums est complété par un cahier iconographique richement documenté, éclairant sur les références historiques et culturelles disséminées au fil des pages par l’auteur. De ses hommages à James Bond, Tintin, Walt Disney, Blake et Mortimer, ou évidemment Blacksad ; en passant par la façon dont le pouvoir en place a pu utiliser l’art pour manipuler l’opinion ; l’architecture parisienne du XIXe siècle ; ou par ses influences classiques, telles que Jean-Jacques Grandville, Albert Robida, ou Alphonse Mucha ; ces bonus passionnants reflètent l’implication de Bryan Talbot et la minutie du travail de recherche effectué pour nourrir son œuvre.
Un labeur rigoureux pour lequel il a d’ailleurs été intronisé au Will Eisner Comic Awards Hall of Fame en 2024.
Grandville est une série absolument savoureuse, une véritable pépite de la bande dessinée internationale, aussi futée que musclée et orchestrée d'une main de maître, dont je ne peux que vous conseiller la lecture ! Un vrai bijou à découvrir sans hésiter aux éditions Delirium !
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Merci beaucoup Chris ! Je connaissais cette BD de loin et je m'étais jamais laissé tenté, c'est ajouté en wishlist direct et je vais les choper dès que je peux.
Déjà que j'avais adoré Blacksad et alors vu le pitch que tu nous présente là, ça donne sacrément envie.
Toujours au top le Chris !