Ou comment le divorce du scénariste Peter David est à l’origine de l’un de mes traumatismes de jeune lecteur…
Endurance Surhumaine
Peter David, c’est un run de douze ans sur la série The Incredible Hulk de Marvel.
Entre 1987 et 1998, le prolifique scénariste va redéfinir le Géant de Jade et enrichir son univers en explorant les différentes facettes de la personnalité de Bruce Banner.
Si Future Imperfect reste sans doute l’une de mes histoires préférées sur le personnage, c’est un autre épisode écrit par David qui a profondément marqué mes premiers pas de lecteur de comics : la mort de Betty Banner, dans le numéro 466 de la série.
Après de nombreuses années de fuite et de lutte intérieure, Bruce Banner semble enfin avoir trouvé la paix auprès de Betty, celle qui fait battre son coeur depuis sa première aventure en 1962.
Mais c’était sans compter sur l’éternel besoin de rebondissements au sein de l’univers Marvel.
Ainsi, l’éditrice Bobbie Chase conseilla à Peter David de commencer à réfléchir à de nouvelles idées pour la suite de la série. Parmi celles-ci, une piste radicale, mais néanmoins classique dans l’univers des comics : tuer le love interest du héros, autrement dit : se débarrasser de Betty Banner.
Betty était le personnage préféré de la femme de Peter David, si bien que l’auteur s’était promis de ne jamais attenter à celle-ci.
Seulement, la recommandation de Bobbie Chase coïncida ironiquement avec un évènement marquant de la vie privée de David : son divorce.
Libéré de son engagement conjugal, le scénariste pouvait donc librement effacer Elizabeth Ross épouse Banner de l’entourage de son héros fétiche, et ainsi donner une nouvelle direction à la série.
Peter David l’avait décidé, il allait tuer Betty Banner.
Le Cauchemar
C’est donc sous forme de cliffhanger, à la fin du 465ème épisode, que le lecteur est brutalement mis devant le fait accompli : Betty est en train de mourir.
Tiré du lit par les suppliques de sa bien-aimée, Bruce Banner la découvre dans la salle de bain, atrocement transformée, comme en état de décomposition.
Le numéro suivant s’ouvre sur une scène très dure, dans laquelle Banner fait face, impuissant, à une Betty souffrant le martyre et le suppliant de lui venir en aide.
Tous les moyens à disposition du père de cette dernière, le Général Ross, n’y changeront rien et la malheureuse passe de vie à trépas de façon aussi inexpliquée que soudaine.
Évidemment, ce tragique évènement ne sera pas sans conséquences pour Hulk, mais aussi pour Peter David.
En effet, si le scénariste ne voyait plus d’inconvénient à tuer Betty, sa vision de la suite à donner à cet épisode dramatique différait des plans imaginés par Marvel.
Là où David pensait trouver une nouvelle occasion d’explorer la psyché de Bruce Banner, la Maison des Idées espère plutôt mettre en scène un Hulk bestial, rendu fou par le chagrin et traversant désormais l’univers Marvel en dévastant tout sur son passage. La colère déclenchée par son amour perdu étant une bonne excuse pour le voir affronter les autres super-héros tentant de le raisonner, et l’appel du divertissement et de la bagarre étant plus vendeur que l’introspection, selon les décideurs.
Le contentieux créatif restant dans l’impasse, Peter David décida donc de quitter la série après le 467ème épisode, qui lui servira à boucler ses douze années de travail sur le personnage.
Si je ne m’étalerai pas sur les détails de cet épisode, j’ose affirmer que Peter David a écrit la fin de Hulk. Deux fois, même, puisqu’il écrira également le one-short Hulk : The End, en 2002.
Traumatisé à Demi-Vie
En France, ces épisodes sont parus en juillet 1999, dans le numéro 10 de Marvel Mega, publié à l’époque par Marvel France.
Bien que lisant déjà des comics depuis quelques années de façon très ponctuelle, c’est vers 1998 que j’ai commencé à réellement suivre des séries dans la durée, et Hulk était l’une de mes préférées.
Aussi, la lecture des épisodes 465 à 467 de The Incredible Hulk a été un véritable choc pour moi.
Déjà parce que c’était sûrement la première fois que j’étais exposé à la mort d’un personnage principal de façon aussi directe, mais aussi parce que cette scène est particulièrement déchirante.
Plus proche visuellement de ce que l’on s’attend à trouver dans un numéro de Spawn que dans un comic book de Marvel, et incroyablement mise en images par le génial Adam Kubert, la mort de Betty est marquante en tous points.
Rassurez-vous, avec le recul, je me suis largement remis de ce traumatisme, et j’y vois aujourd’hui tout le génie narratif de Peter David, en plus d’un écho évident à son histoire personnelle. On peut imaginer que l’impuissance ressentie par Bruce face à la disparition de sa femme est proche de celle que l’auteur a pu connaître lors de sa séparation.
Pourtant, avec le départ de Peter David, la mort de Betty Banner n’aura finalement que peu d’impact sur les aventures du Titan Vert.
Si ce ressort scénaristique parfois appelé “Women in Refrigerators” est définitivement usé, la mise en scène puissante de David et Kubert le rend un peu moins gratuit qu’à l’accoutumée.
Comme toujours ou presque dans les comics, cette intrigue va rapidement être désamorcée, et on apprendra dès le numéro suivant que Betty est en fait maintenue en état de stase par son père dans un lieu tenu secret.
Une révélation qui aura bien évidemment des répercussions quelques années plus tard pour Bruce Banner, mais ceci est une toute autre histoire.
En tant que jeune lecteur, j’avais lu et relu ces épisodes, presque fasciné par ce twist imprévisible. Sans aucun doute une prise de conscience de ma part des émotions que pouvait donner une histoire bien écrite.
Des années plus tard, bien que jamais réédité à ce jour en version française, la mort de Betty Banner reste pour moi l’un des comic books les plus efficaces, et j’espère vous avoir donné envie de découvrir le run de Peter David en vous en parlant ici.
Une bonne partie de ce run est déjà disponible en français dans les intégrales de Panini Comics.
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Je comprends que ça a pu traumatisé tout un public et ça méritait bien son article dessus. Mine de rien, ça peut faire penser que beaucoup de moment clé dans les comics sont liés à d'autres traumas.