COMICS POSTCARD - L’HEURE DU CRIME
A Short Story + Ed Gein + Automnal
À l’image des jeux vidéo, du rock n’roll et des jeux de rôles, les comics ont parfois été accusés de tous les maux de notre société. Responsables de la perversion de notre belle jeunesse, ils transformeraient nos chères têtes blondes au cœur pur en criminels assoiffés de sang.
Déjà à partir des années 1950, des éditeurs américains comme EC Comics, jugés à l’origine de la hausse de la criminalité, ont été victimes de la censure du Comics Code Authority, sous la pression de diverses associations s’octroyant la capacité à déterminer ce qui était correct et ce qui ne l’était pas.
En France aussi, des éditeurs comme Pierre Mouchot ou Lug feront les frais des censeurs de tout poil, condamnés à disparaître ou à retoucher drastiquement les planches des comic books pour pouvoir les distribuer en kiosque sans être accusés de traumatiser les jeunes lecteurs.
Si aujourd’hui, le Comics Code a disparu, les tentatives de censures se multiplient, toujours portées par la crème de l’humanité : extrémistes politiques, fanatiques religieux, et autres wannabe n’ayant rien d’autre que l’intolérance et la bêtise crasse pour exister.
Mais alors, est-il possible que les comic books, les FPS ou le heavy metal soient à l’origine du parcours et des méfaits des plus terribles tueurs en série de notre temps ? Seuls quelques torchons sensationnalistes jouant de titres racoleurs osent tenter le parallèle.
Dans tous les cas, c’est quand même plus simple d’accuser l’art et les créatifs plutôt que de regarder en face les travers de nos systèmes sociaux et politiques ! Il ne manquerait plus que nos certitudes d’honnêtes citoyens soient remises en question…
D’ailleurs, dans le but ultime de corrompre jusqu’à la dernière âme de ce triste monde, n’oubliez pas de propager la bonne parole en partageant mon travail autour de vous, c’est la meilleure façon de me soutenir !
Depuis quelques années, les documentaires sur différentes affaires criminelles non élucidées et autres vidéos et podcasts traitant de “true crime” ont le vent en poupe, et j’en suis l’un des premiers consommateurs, je l’avoue.
Aussi, est-il étonnant que cette tendance passionnante dans laquelle il est facile de plonger la tête la première se retrouve également dans les pages de nos BD préférées ? Trêve de familiarités, dans cette deuxième COMICS POSTCARD, je vais vous parler de trois bandes dessinées qui font la part belle aux crimes et aux mystères, parfois tirées de faits réels à vous donner la chair de poule…
Et pour commencer à frissonner, quoi de mieux que l’un des plus célèbres cold-case de l’histoire : le meurtre d’Elizabeth Short, alias le Dahlia Noir.
Qui était-elle vraiment, cette Elizabeth Short, retrouvée sauvagement assassinée en 1947 ? Si les détails les plus sordides de sa mort ont été révélés par la presse et largement relayés depuis par tous les médias à sensation, Run et Florent Maudoux ont préféré se concentrer sur la personne d’Elizabeth et retracer son parcours avant le tragique événement qui a fait d’elle une célébrité à titre posthume.
Celle que l’on surnommait de Dahlia Noir a laissé derrière elle de nombreuses questions, sorte de mythe vaporeux où l’atroce et le macabre côtoient le rêve américain et les pin-up accoudées au jukebox…
Ses dernières fréquentations, ses habitudes, ses galères, ses relations amoureuses épistolaires, tous ces éléments sont regroupés dans A Short Story : La Véritable Histoire du Dahlia Noir, synthèse remarquablement complète d’archives et de témoignages.
Bien plus qu’un album de BD, c’est un travail colossal qui est proposé ici chez Label 619, une véritable enquête sur la personnalité de Betty Short : de son besoin d’émancipation à ses petits arrangements avec la vérité pour ne pas perdre la face.
Un volume richement documenté et commenté par ses auteurs, qui témoigne d’une application et d’un sérieux qui vont bien au-delà de la mode du “true crime” et de ses dérives sur le marché du divertissement.
Sans doute l’un des immanquables de cette fin d’année et un futur incontournable pour quiconque s’intéresse à l’affaire.
En bonus, je ne peux que saluer la qualité de fabrication de l’ouvrage en lui-même. Un beau livre qui ne fera pas tache dans votre bibliothèque !
Ah, l’Amérique… Tu veux l’avoir, mais parfois, c’est elle qui finit par t’avoir, et pour de bon ! Surtout quand ton voisin est adepte des natures mortes encore tièdes…
Au sinistre panthéon des criminels pervers et dérangés, certains ont laissé une trace indélébile dans l’imaginaire collectif, et d’autres sont pratiquement devenus des légendes. C’est le cas de Edward Theodore Gein, le Boucher de Plainfield.
En bon amateur de comics et de faits divers, je ne pouvais qu’être captivé par un récit en bande dessinée revenant sur la vie de Ed Gein.
Ce tueur aux penchants nécrophiles, collectionnant de nombreux trophées prélevés sur des corps exhumés par ses soins et fabricant divers accessoires à partir de peau humaine, a inspiré moult personnages de fiction, de Leatherface à Hannibal Lecter, en passant par Norman Bates. Il est devenu une véritable figure de la Pop Culture, au point où l’on oublie quel homme pouvait se cacher derrière ces actes dont la nature profondément malsaine a horrifié l’Amérique.
Ici aussi, le comic book prend la forme d’une chronique historique et sociale qui ne verse pas dans la fiction ou le sensationnalisme, malgré les scabreux agissements de Edward Gein. On y découvre le contexte familial dans lequel il a grandi, sous la coupe d’une mère obsédée par la religion, cherchant à tout prix à dégoûter son fils des autres femmes, et dont le décès a sûrement été l’élément déclencheur des pulsions morbides de Gein.
Ed Gein : Autopsie d’un Tueur en Série fait partie de ces livres dont la lecture dépasse largement le stade de la simple distraction. Je m'y suis plongé d'une traite et je ne peux que saluer le travail de recherche, de synthèse et d'adaptation réalisé par Harold Schechter et Eric Powell. Le style graphique de ce dernier se prêtant particulièrement bien à ce type d’ambiance, ancrée dans la profonde ruralité des États-Unis du milieu du vingtième siècle, la plongée dans l’univers sépulcral de Gein n’en est que plus intense.
Une pépite à découvrir aux éditions Delcourt, à condition d’avoir le cœur bien accroché, évidemment !
L’automne approche et peut-être avez-vous dans l’idée d’enrichir votre bel herbier !
Mais attention, si chez Prévert les feuilles mortes se ramassent à la pelle, à Comfort Notch, l’arrière saison est plutôt synonyme de morts à la pelle !
Publié chez Vault Comics aux États-Unis et proposé dans son intégralité en un seul volume par 404 Comics en France, Automnal mérite vraiment le détour !
Kat, mère célibataire héritant d'une vieille bicoque dans un trou paumé, décide de démarrer une nouvelle existence loin des tracas de sa vie passée en compagnie de sa fille, Sybil. Ça ne peut que mal finir, vous le savez bien. Et, effectivement, Comfort Notch, réputée pour son automne incomparable, n'est pas une ville comme les autres.
À mi-chemin entre The Witch de Robert Eggers et The Wicker Man avec Christopher Lee, Automnal assume ses influences et son parfum oppressant d'un roman de Stephen King.
Le pitch semble un peu téléphoné, et les mécaniques, quoi que bien huilées, sont déjà vues, mais le scénariste Daniel Krauss mène son récit comme une sorte de polar hardboiled horrifique dont l'aspect jusqu'au-boutiste n'est pas pour me déplaire ! Graphiquement, le dessinateur Chris Shehan et le coloriste Jason Wordie livrent une prestation immersive et jouent à merveille avec l'ambiance aussi onirique qu'inquiétante de cette petite ville qui cache un terrible secret.
Cerise sur la gâteau, la très belle édition proposée par 404 Comics donne au bouquin de quoi se démarquer des formats plus classiques auxquels les lecteurs de comic books sont habitués et en fait un excellent cadeau à offrir pour convertir un amateur de littérature fantastique ou horrifique aux comics !
Qu’elles soient inspirées d’événements vécus ou issues des phantasmes les plus noirs, les histoires mêlant mystères et meurtres sanguinaires éveillent chez beaucoup d’entre nous une curiosité morbide, sorte d’appel du vide vers les tréfonds de notre âme. Cette fascination pour des individus ayant outrepassé les ultimes tabous de notre société est-elle due à un manque d’action dans notre terne quotidien hyperconnecté ? Ou bien une façon de se rassurer quant à notre propre situation ?
“C’est vrai, des fois, j’écris de la merde sur Twitter, mais bon, quand même, j’ai jamais fabriqué d’abat-jour avec la peau des fesses de la voisine !”
C’est bien possible.
Jusqu’à la prochaine fois, je compte sur vous pour avoir de saines lectures.
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Je rattrape tes posts, je suis rendu là.
Très belle plume !
Je vais me laisser tenter par le bouquin sur le bon Ed.