Sexe, violence et sacrifices humains, voilà ce qui attend Den, aventurier entre deux mondes, aux prises avec les plus grands dangers du territoire hostile de Nullepart !
Un classique de la bande dessinée signé Richard Corben, de nouveau disponible en France grâce à Delirium !
Peut-être faudrait-il, pour que le citoyen ordinaire s’intéresse aux comic books, commencer par lui prouver que la bande dessinée américaine propose bien plus qu’une succession d’affrontements entre des super-héros aux accoutrements chamarrés et leurs alter ego maléfiques dont la seule obsession est la domination du monde, et que les comics et leur histoire ne se limitent pas à une longue liste de difficultés à surmonter pour être appréciés. J’en veux pour preuve l’œuvre de Richard Corben, artiste aussi discret que prolifique de son vivant, ayant laissé un héritage manifestement incontournable après sa disparition, en 2020.
Né au début des années 1940, Corben débute sa carrière dans l’animation avant de se consacrer entièrement à la bande dessinée à partir des années 1970, notamment dans les magazines horrifiques de Warren Publishing.
Avec Bloodstar, son adaptation de The Valley of the Worm de Robert E. Howard, parue en 1976, Richard Corben se place en pionnier du format Graphic Novel aux États-Unis. Et tout en cultivant son goût pour l’indépendance, notamment avec son label Fantagor Press, il dessinera également pour Marvel, DC Comics et Dark Horse, prenant en main des licences comme Hellblazer, Luke Cage, Conan le Barbare, Hellboy, ou encore The Punisher.
C’est durant ses premières années de travail chez Calvin Studios, à Kansas City, en 1968, que Corben crée Neverwhere, court-métrage mélangeant animation et prises de vues réelles, dont Den est le personnage central.
Quand, quelques années plus tard, il cherche à se faire une place dans le monde de la bande dessinée, Richard Corben commence par envoyer ses travaux à plusieurs éditeurs de comics underground, dont Last Gasp, qui publie la première aventure de Den sur le papier dans Grim Wit #2 en 1973. Deux ans plus tard, Corben rejoint Métal Hurlant ; fameux magazine de bande dessinée fondé par Jean “Mœbius” Giraud, Philippe Druillet, Jean-Pierre Dionnet et Bernard Farkas ; dans lequel il continue, entre autres travaux, de développer l’univers de Den. Il en sera de même dans le pendant américain du magazine, Heavy Metal, ainsi que dans la revue espagnole 1984.
Den est l’un des premiers travaux majeurs de Corben, influencé par Robert E. Howard, Edgar Rice Burroughs et H.P. Lovecraft : une saga qui mêle science-fiction et fantasy, empruntant autant à Conan le Barbare et à La Quête Onirique de Kadath l’Inconnue qu’à John Carter of Mars, dont l’univers très pulp rejoint le sous-genre, tant exotique sur le fond que dans la forme, que l’on nomme parfois Sword & Planet.
Des influences revendiquées dès la production de son film d’animation, notamment avec l’apparition du livre A Princess of Mars de Burroughs, mais également dans ses bandes dessinées, avec diverses mentions à Cthulhu lui-même.
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Ouvrant un portail vers l’incroyable monde de Neverwhere après avoir construit un appareil selon les dernières recommandations de son oncle mystérieusement disparu, le jeune et frêle David Ellis Norman devient Den, un athlète musculeux et imberbe ne pouvant littéralement compter que sur sa bite et son couteau !
Condamné à être l’objet du désir d’une reine sanguinaire à la tête d’un culte dégénéré ayant pour objectif d’invoquer un monstre vénéré depuis des temps immémoriaux, Den va parvenir à s’enfuir en compagnie de Kath, une belle jeune femme égarée, elle aussi, à Nullepart. En quête du Locnar, un puissant artefact, Den part explorer Neverwhere dans l’espoir de retrouver son oncle.
Si ce pitch peut sembler simpliste et cliché sur bien des points, de sa vision du bien et du mal à l’hypersexualisation de ses personnages, sa naïveté est aussi sa force. Le trait précis et puissant de Corben tranche avec le caractère ingénu de ses héros et la binarité des situations, et l’aspect ouvertement sexuel de certains passages est finalement très en avance sur les stéréotypes véhiculés par la pornographie de l’époque.
Faut-il voir, dans ce périple en terre inconnue d'un héros démuni et nu comme un ver, un parallèle avec le tournant que prend la vie de Richard Corben à cet instant ?
Lui qui se lançait dans une nouvelle aventure, espérant vivre de son art en toute indépendance, se voyait-il comme Den surmontant les pièges tendus pour lui faire barrage dans un paysage impitoyable peuplé de créatures indomptables ?
Quel que puisse en être le message ou le sens caché, Den est sans conteste un pur produit de la culture et de l’imagination de Corben. Un pot-pourri de ses lectures de jeunesse et des univers vertigineusement vastes et effrayants qu'il a développés tout au long de sa vie d’artiste.
Après son travail magistral sur Bloodstar, c’est de nouveau José Villarrubia qui s’est attelé à ce chantier pharaonique qu’est la restauration de Den, à partir des planches originales de Corben, dans le respect de l’esprit voulu par l’artiste à l’époque. Pour les complétistes acharnés, Delirium propose également une édition “Brute”, limitée à 550 exemplaires, qui permet de découvrir les planches originales avec le minimum de retouches.
Si on ajoute à ça une préface signée Mike Mignola, le créateur de Hellboy, et des bonus alléchants, cette nouvelle mouture est absolument incontournable pour les fans de Corben, mais aussi pour tous les amoureux du neuvième art. Les amateurs et amatrices ne s’y sont d’ailleurs pas trompés, offrant un beau succès au financement participatif du projet sur KissKissBankBank.
Enfin, on peut espérer que l’arrivée de cette nouvelle édition entièrement restaurée, trésor perdu de Richard Corben indisponible chez nous depuis plus de trois décennies, ouvre la voie à une réédition en version française des autres aventures de Den, à l’image de ce que Dark Horse Comics propose aux États-Unis avec une très belle collection.
Foncez découvrir Den et l’œuvre de Richard Corben, c’est un voyage dont on ne peut ressortir que plus inspiré !
Retrouvez toutes les informations sur Den sur le site de Delirium !
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Je voulais savoir également si le comics est inédit par rapport au film d'animation , mise à part l'histoire dont tu parles ou bien est ce que tout est copié et mis en film d'animation ?
PS : tu avais dit qu'en 2000 les comics battaient de l'aile ... mais pourquoi en fait merci ?
Je connais grace au film d'animation Métal hurlant qui était vraiment sympa . Tout ça maintenant cela ne pourrait plus passer : nudité , violence , horreur ... c'était une autre époque où il était encore possible de montrer de telles choses ...
PS : C'est marrant le titre est différent du comics et du film d'animation . Je me demande pourquoi le film d'animation ne s'appelle pas DEN - NEVERWHERE ??