Goldorak revient. Encore. Pourquoi ? Et surtout, pour qui ? En bon internaute lambda, j’avais envie de partager mon avis sur le sujet.
Adolf Hitler, mais dans l’espace.
Alors que sort chez Kana une nouvelle bande dessinée made in France, sur laquelle je reviendrai tout à l’heure, qu’un jeu vidéo est annoncé par Microids pour 2023, et que France 4 rediffuse la série mettant en scène ce formidable géant des nouveaux temps, je me suis dit que c’était le moment ou jamais pour parler de UFO Robo Grendizer.
Adoré des enfants dès sa première diffusion en France en 1978, Goldorak, comme on l’appelle dans l’Hexagone, sera accusé de tous les maux par des “intellectuels” dont la principale activité est d’effrayer la ménagère en lui expliquant que les japoniaiseries vont faire basculer son innocente progéniture dans la délinquance.
Comparé à Hitler, victime d’une xénophobie ouvertement affichée, et considéré aussi néfaste pour les jeunes que médiocre en terme d’animation, Goldorak sera passé en quelques décennies de vie médiatique de figure fasciste abrutissante à icone de la Pop Culture. Imprimé sur des timbres et des caleçons, le robot a même droit à sa place dans des musées. Comme quoi la lutte contre les forces du mal s’inscrit dans la durée.
Et derrière l’histoire du Prince Actarus venu défendre la Terre des terrifiantes forces de Vega avec l’aide de son robot géant, on trouve un homme : Gō Nagai.
Résumer l’œuvre de Gō Nagai à Goldorak, c’est un peu comme réduire le travail de Jack Kirby à Machine Man. Le robot qui cache la forêt, en somme.
Si Devilman, Cutey Honey, ou même Mazinger Z ne bénéficient pas de la même popularité chez nous, ils sont tout aussi importants pour comprendre comment, près d’un demi-siècle plus tard, la création de Gō Nagai a toujours sa place à la télévision et dans le cœur du public.
Ce qui fait la force de Goldorak, c’est pour ainsi dire tout ce qui a échappé à ses détracteurs de la première heure.
Les combats spatiaux, les Fulguropoings et autres Astérohaches sont certes un apparat qu’il est plaisant de parodier, mais il ne s’agit que de quelques éléments de surface en comparaison de ce qui fait réellement l’essence de la série.
L’Homme et la machine.
Comme le zombie, le robot géant est plus qu’une simple créature de la culture populaire et de l’industrie du divertissement.
Là où le premier sert à critiquer la déshumanisation de nos sociétés d’hyperconsommation, le second cristallise de nombreuses thématiques récurrentes dans la science-fiction japonaise.
De la peur des dérives de la science aux ravages de la guerre, en passant par une métaphore du rêve de toute puissance qui accompagne les transformations de l’adolescence, le genre Mecha dans sa globalité, de Gundam à Evangelion, aborde des sujets parfois imperceptibles pour ceux qui s’arrêtent à leur première impression face à ces combats de robots colorés remplis d’explosions et d’armes démesurées.
Si Goldorak n’est sûrement pas la plus profonde des séries de robots géants, il faut croire qu’avec ses thèmes et son ton, elle est arrivée au bon moment pour servir de porte d’entrée au genre à toute une génération de petits français.
Actarus, exilé trouvant refuge sur la planète bleue après avoir fuit son monde dévasté, marqué par la guerre à la fois mentalement et physiquement, est bien plus qu’un simple héros manichéen.
Et son robot, formidable machine de guerre, n’est pas tant un outil de destruction qu’un vestige d’une planète pourtant avancée ayant pliée face à un envahisseur rendu impitoyable par la nécessité de survivre.
Les enjeux sont certes guerriers de prime abord, mais aussi écologiques et humains, pour peu que l’on fasse l’effort de creuser un peu.
Ces enjeux, au même titre que les rapports complexes entre le bien et le mal, et les rivalités entre personnages d’un même camp, font partie intégrante de UFO Robo Grendizer, chaque spectateur percevant à son échelle quel sujet est le plus important à ses yeux.
L’aspect humaniste omniprésent dans les productions animées venues du Japon, sûrement trop en avance sur notre temps pour être comprises chez nous à l’époque, et tout particulièrement dans le travail de Gō Nagai, découle incontestablement de l’histoire mouvementée du pays au XXème siècle, mais aussi d’un instinct visionnaire quant aux problématiques que nous connaissons aujourd’hui à l’échelle de la planète.
Transfert !
L’autre force de Goldorak, c’est la nostalgie.
Il y a quelques années, il était difficile d’afficher publiquement cette “Culture Geek” sans être qualifié “d’attardé”, ou de tout autre adjectif fleuri, découlant sans doute des clichés nourris par les obscurantistes allergiques aux productions nippones.
Mais depuis le début des années 2000, en partie grâce à internet, il est devenu beaucoup plus acceptable socialement de revendiquer être amateur de manga, de comics, ou encore de jeu vidéo, quand on est un adulte.
Parmi les héros de ceux que l’on appelle parfois les “kidultes”, Goldorak tient une place centrale , sans doute parce qu’il a justement longtemps été un symbole du traitement réservé à ce qui était considéré comme de la sous-culture.
C’est d’autant plus vrai en France, où il garde une aura très particulière, entretenue par un mélange de nostalgie de celles et ceux qui ont vécu son arrivée à la télé comme une révolution, et d’une passion hexagonale considérable pour le manga et l’animation.
La bande dessinée parue chez Kana en octobre 2021 en est une parfaite synthèse.
Portée par une équipe créative “deluxe” (Denis Bajram, Xavier Dorison, Brice Cossu, Alexis Sentenac et Yohan Guillo), cette production qui aura demandé 5 ans de travail s’impose comme une suite aux 74 épisodes de la série animée originale.
Graphiquement impeccable, savant hommage à l’œuvre de Gō Nagai qui parvient à ne jamais tomber dans le fan service gratuit, cette BD est un pur produit du mélange des genres, dans le bon sens du terme.
Captant parfaitement l’essence dont je parlais un peu plus haut, Bajram, Dorison et leurs acolytes abordent notamment l’aspect belliqueux des forces de Vega sous un jour particulièrement intéressant et développé, avec beaucoup d’intelligence.
La seule ombre au tableau serait peut-être un problème d’accessibilité.
À qui cette bande dessinée s’adresse-t-elle vraiment ? Sans doute à un public déjà conquis, aspirant à jeter un coup d’œil dans le rétroviseur, et trouvant ici le juste milieu entre modernité et souvenirs d’enfance.
Si elle aura le mérite de pousser quelques personnes à faire un tour au rayon BD pour se la procurer, il lui sera probablement plus difficile de convertir les plus jeunes à l’univers de Grendizer sans l’appui de leurs aînés.
Le Goldorak de Kana est donc un exercice de style réussi et maîtrisé de bout en bout, mais aussi le cliché d’une Pop Culture qui a tendance à se mordre la queue en ne parlant qu’à un public déjà familier.
Il n’empêche que ça reste une excellente lecture, et un très beau cadeau pour tous les fans du robot géant.
C’est la seule vérité.
Les enfants d’aujourd’hui seront-ils conquis par Goldorak comme ont pu l’être leurs parents, et parfois leurs grands-parents ?
Difficile de s’avancer, mais le simple fait que la série soit de nouveau diffusée à la télévision à une heure de grande écoute près d’un demi-siècle après sa création symbolise déjà l’évolution de nos mœurs et à quel point l’animation japonaise est aujourd’hui un pilier de notre culture populaire, pour ne pas dire de la Culture avec un grand “C”.
Alors, a-t-on usé jusqu’au dernier gramme de Laserium pour prolonger artificiellement la vie de Goldorak ?
Si l’on regarde tout ça d’un point de vue purement mercantile, en énumérant chaque figurine ou produit dérivé improbable tiré de l’œuvre de Gō Nagai, répondre “oui” ne me semble pas forcément tiré par les cheveux. Tout a été fait, ou presque, autour de Grendizer.
Mais si l’on s’attache aux valeurs et au message de cette série, alors on comprend qu’elle est inusable, intemporelle et éternellement pertinente.
Quelle que soit l’époque, Goldorak a été un phénomène de société. Incontournable, avant-gardiste, ou objet de nostalgie, il ne laisse personne indifférent.
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une petite erreur Goldorak (nom italien de la série) n'est pas un robot d'euphor mais au contraire le fleuron des golgoth avec lequel actarus s'enfuit de sa prison très bonne note de blog cependant
J ai adoré la bd , ce qui n est pas le cas de beaucoup de fan hardcore de la série. ( ils n apprécient pas le style graphique des personnages, alors que moi, ça ne m a pas derangé)
J ai aimé le petit clin d'œil à mazinger Z ( le pendentif sur le portable d'alcor)
Et le final est juste excellent