JUSTICE SOCIETY OF AMERICA 1999 : SUCCESSION SAUCE GOLDEN AGE
DC Comics entre héritage et modernité...
Si on me demande d’évoquer un souvenir précis de l’année 1999, je pense immédiatement à l’éclipse totale du 11 août, durant laquelle le couturier Paco Rabanne prédisait la chute de la station Mir sur Paris (et dans le Gers aussi, tant qu’on y est !), qui devait réduire en cendres notre belle capitale.
Spoiler : tout ça n’est jamais arrivé, mais ce scénario tonitruant, digne d’un blockbuster de science-fiction, m’a particulièrement marqué quand j’étais gamin.
L’autre bonne nouvelle, c’est que feu Paco Rabanne n’a, à ma connaissance, rien à voir avec le livre dont je vous parle aujourd’hui : Justice Society of America Chronicles 1999, chez Urban Comics !
…AND JUSTICE FOR ALL !
Visiblement satisfait de l’accueil réservé à la collection Batman Chronicles, Urban Comics poursuit l’expérience avec de nouvelles collections reprenant le même format et présentant par années les aventures des figures de proue de DC Comics. Si l’annonce des premiers volumes de Superman Chronicles et Flash Chronicles, qui affichent tous deux des sommaires alléchants, a réjouit les fans des travaux de John Byrne et de Mark Waid, elle est beaucoup moins surprenante que celle augurant l’arrivée d’une collection Chronicles consacrée à la Justice Society of America.
Apparue pour la première fois en 1940 dans All-Star Comics #3 sous l’impulsion de Gardner Fox et Sheldon Mayer, la JSA peut être considérée comme la première équipe réunissant officiellement des super-héros qui vivaient auparavant leurs aventures en solitaire.
Formée par des personnages incontournables de l’Âge d’Or de la bande dessinée américaine, tels que le premier Green Lantern (Alan Scott), le premier Flash (Jay Garrick), Hawkman, Hour-Man ou Doctor Fate, la Justice Society of America est avec le temps devenue une institution incontournable de DC Comics.
Tombés en désuétude, comme une bonne partie des héros costumés, après la Seconde Guerre mondiale, les membres de la JSA vont pourtant avoir droit à une forme de seconde jeunesse à partir de 1961, lorsque Gardner Fox développe dans les pages de la nouvelle série Flash le concept des Terres parallèles.
Domiciliée sur Terre 2, la Justice Society of America devient un parfait prétexte à l’utilisation de ces mondes parallèles, et donc une nouvelle source pour remplir les quotas mensuels d’intrigues à produire pour vendre des comic books. Mais les personnages et les grosses ficelles qui vont avec vieillissent, et après Crisis on Infinite Earths en 1985, DC Comics décide de mettre ces héros d’un autre âge au placard. Au moins pour un temps.
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En 1993, le scénariste James Robinson et le dessinateur Paul Smith produisent une mini-série en quatre numéros intitulée The Golden Age, dans laquelle ils revisitent le parcours des premiers super-héros durant la seconde moitié du vingtième siècle.
Dans la lignée déconstructiviste initiée par Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons, The Golden Age s’attaque au mythe du super-héros indestructible et nous montre des personnages usés, désabusés, malades et dépressifs, à mille lieues des justiciers aux costumes bariolés qui faisaient rêver les enfants des années 1940.
Même si The Golden Age est considéré comme un Elseworld par DC Comics, et prend donc place en dehors de la continuité de l’éditeur, c’est un tournant pour les héros de l’Âge d’Or mis au rebut et pour James Robinson, particulièrement attaché à la JSA.
Ainsi, en 1999, Robinson, conscient du potentiel de la Justice Society of America, fait du forcing auprès de son éditeur pour relancer une série consacrée à cette équipe historique. Mais une partie des héros a été tuée durant le crossover Zero Hour et DC Comics n’y croit pas vraiment dans un premier temps.
Pourtant, James Robinson finit par avoir gain de cause et va travailler avec David S. Goyer sur la saga The Justice Society Returns, publiée en neuf numéros et rendant hommage aux titres populaires du Golden Age : All-Star Comics, National Comics, ou encore All-American Comics. Le succès rencontré par cette série limitée va permettre à Robinson et Goyer de lancer la même année un nouveau titre sobrement intitulé JSA, qui s’appuie sur l’héritage de la Justice Society originale.
La nouvelle équipe se compose en effet de plusieurs membres originaux comme Alan Scott ou Jay Garrick, mais aussi des héritiers des membres fondateurs, tels que Jack Knight, fils du premier Starman, ou Sandy Hawkins, alias Sand, sidekick du Sandman original. Si les liens de filiation sont quelque peu alambiqués, comme avec le Hourman de Grant Morrison venu du huit-cent-cinquante-troisième siècle (oui, oui…), l’équipe créative sait recoller les morceaux, et surtout proposer de véritables intrigues tournant autour de cette notion omniprésente d’héritage et de ces successeurs parfois enrôlés un peu malgré eux.
EXIT LIGHT, ENTER NIGHT…
James Robinson et David S. Goyer forment un remarquable duo aux commandes de cette série. Le premier démontre toute sa maîtrise du genre super-héroïque et ses connaissances encyclopédiques de l’univers DC, tandis que le second utilise son sens de la narration, inévitablement cinématographique, pour maintenir le lecteur en haleine. Le rythme est bon, et le tout s’impose comme un amalgame finement dosé de classicisme à la sauce Golden Age et de modernité gentiment rock n’ roll, avec des héros moins sages que leurs parents. L’implication personnelle des membres de la Justice Society, liés à l’intrigue principale également sur le plan privé, permet de ne pas assister à un énième affrontement entre le camp du bien et les forces du mal, ce qui rend l’ensemble moins désincarné, en faisant à la fois un bon comics de super-héros et une bonne série d’équipe, avec des protagonistes aux interactions efficaces sur tous les plans. On peut aussi saluer le travail de contextualisation réalisé avec The Justice Society Returns, qui rend accessibles ces personnages beaucoup plus obscurs pour le grand public que leurs collègues Batman, Wonder Woman ou Superman, sans jamais que cela ne devienne indigeste.
James Robinson sera, pour des raisons personnelles, remplacé par Geoff Johns à partir du sixième numéro de JSA. Johns s’imposera rapidement comme un maître du genre super-héroïque et une figure emblématique de DC Comics tout supports confondus, maîtrisant à la fois la riche galerie de personnages de l’éditeur et les codes classiques des comics de super-héros, parfois pour mieux nous surprendre. Mais ceci est une autre histoire…
S’il fallait trouver un défaut à ce volume, ce serait sans doute la partie graphique qui baigne littéralement dans son jus, avec une colorisation typique du tournant de l’an 2000. Pas foncièrement rédhibitoire, mais cruellement reconnaissable et donc inévitablement daté.
Cependant, le travail de Stephen Sadowski sur les quatre premiers épisodes de la série JSA reste très agréable visuellement, avec un découpage très percutant durant les bastons.
J’ai de nouveau vu passer quelques critiques (attendues) sur le format Chronicles, dont le choix d’une couverture souple, ou disons plutôt “semi-rigide”.
Honnêtement, je ne comprendrais jamais la fixation du lectorat français autour du format hardcover. L’idée qu’une couverture rigide donne un aspect plus luxueux ou plus noble à un livre peut s’entendre, mais de la part d’un public qui est encore aujourd’hui largement méprisé pour ses goûts, y compris au sein même de la sphère culturelle de la bande dessinée, je trouve ça plutôt bizarre. La diffusion d’une culture qui se veut populaire passe aussi par des formats qui doivent le rester.
Personnellement, je ne lis pas un livre pour la composition de sa couverture, ni pour ses dimensions ou son nombre de pages, mais plutôt pour son contenu, ses thématiques et ce qu’il pourrait m’apporter. Évidemment, la collection Chronicles n’a rien en commun avec les ouvrages de La Pléiade. Mais à trente-cinq euros les cinq-cent-vingt pages, le tout agrémenté de contenu éditorial produit à la fois par les auteurs et par l’éditeur, je pense qu’à défaut d’être une incroyable affaire, c’est une proposition très honnête pour quiconque a vraiment envie de lire cette série Justice Society of America.
Alors, faut-il craquer pour ce premier tome de Justice Society of America Chronicles consacré à l’année 1999 ?
Si vous aimez les bonnes histoires de super-héros et les personnages au background étoffé, ce volume est le point d’entrée idéal à tout ce Geoff Johns a développé par la suite pendant presque deux décennies chez DC Comics, et donc à ce que je considère comme les productions les plus abouties quand on parle de récits super-héroïques dans leur forme classique. Ce tome en particulier ne contient peut-être pas ce qui a été fait de mieux chez DC toutes périodes confondues, mais ouvre la voie à dix années de publications dont les qualités ne sont que trop rarement vantées en comparaison des incontournables des années 1980 et 1990. Un véritable tremplin pour l’éditeur et pour les lecteurs, à découvrir ou à redécouvrir.
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Comme vous pouvez le voir, j’ai été très inspiré pour mon premier post !
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Le bon côté quand on en est à critiquer le matériau utilisé pour la couverture, c'est qu'on peut se dire que le taf est fait sur le reste du titre :)
Merci pour cette analyse pleine de bon sens !
Justice Society of America c'est la même chose que Justice League of
America ? Sinon merci beaucoup pour la photo de l'intérieur du comics ;-)