Les incontournables de l’horreur Made in Marvel réunis dans un seul et même volume ? C’est possible ! En tout cas, c’est ce que nous affirme Panini Comics avec un colossal omnibus intitulé Marvel Horror. Faut-il craquer et se lancer ? Voici mon avis.
‘CAUSE THIS IS THRILLER
Le rapport entre l’horreur en tant que thématique et la bande dessinée américaine est complexe. Genre star à la rentabilité éprouvée sur de nombreux supports, mais censuré et accusé de tous les maux de notre société, l’horreur est loin de faire l’unanimité. Après la guerre perdue par EC Comics et William Gaines contre l’obscurantisme, le racisme et les censeurs de tout poil au milieu des années 1950, les vampires, loups-garous et autres morts-vivants n’avaient plus leur place dans les comic books.
Mais de toute évidence, le repos éternel n’existe pas pour des créatures qui ressortent inlassablement de leur tombe, narguant au passage leurs fossoyeurs.
Après trois tomes consacrés à la série Tomb of Dracula de Marv Wolfman et Gene Colan, Panini prolonge l’expérience avec un nouvel omnibus de mille trois cents pages compilant une sélection de récits horrifiques, majoritairement issus des années 1970, époque où le genre connaît un regain de popularité après le long sommeil imposé par le Comics Code Authority.
Au programme de ce gargantuesque volume, quelques héros connus bien au-delà des pages des comics, comme Doctor Strange, Hulk, les Fantastic Four ou Moon Knight, mais aussi une galerie de personnages beaucoup plus obscurs, de Brother Voodoo au Golem, en passant par The Living Mummy et Modred le Mystique.
Des monstres et des héros au parcours parfois éclair dans les pages des comic books, mais reflet d’une véritable libération artistique. Surnaturel, possession, morts-vivants et démons sont au programme de ces récits qui jouent parfois avec le feu en profitant du format magazine de la filiale Curtis, émancipé du Comics Code, pour tenter quelques incursions sur le territoire de l’érotisme.
C’est le cas des dix numéros de Tales of the Zombie présents dans l’omnibus qui, sous les hypnotiques couvertures de Boris Vallejo et Earl Norem, présentent les terrifiantes aventures du zombie Simon Garth.
Écrite par Steve Gerber, co-créateur de Howard The Duck, et dessinée par Pablo Marcos, la série du Zombie met en scène un héros puni de la pire des façons pour son arrogance et sa brutalité. Assassiné, puis changé en mort-vivant, il est désormais soumis à la volonté de quiconque possédant l’amulette magique qui permet de le contrôler. En quête de rédemption et d’humanité, Simon Garth est un personnage déshumanisé et paradoxalement très touchant, pour lequel le lecteur ne pourra éprouver que de l’empathie, malgré son passé d’individu détestable.
On retrouve aussi au sommaire de Tales of the Zombie des dessinateurs comme Alfredo Alcala, bien connu des fans des Maîtres de l’Univers, et des auteurs comme Chris Claremont ou Tony Isabella. Globalement, le casting de cet omnibus est aussi riche que qualitatif et démontre l’impressionnante variété des talents ayant pu exercer chez Marvel au fil des années.
Parmi les pépites plus classiques, mais toujours délicieuses, on compte le numéro 89 de Strange Tales, qui présente la toute première apparition de Fin Fang Foom par Stan Lee, Larry Lieber et Jack Kirby. Une époque où monstres géants et grandiloquence faisaient parfois bon ménage…
L’impressionnant sommaire est complété par plusieurs numéros de Marvel Two-In-One, sympathique série mettant en scène les improbables rencontres de Ben Grimm, alias La Chose des Quatre Fantastiques, avec d'innombrables héros de la Maison des Idées. Si les épisodes proposés ici se concentrent sur les personnages déjà croisés dans le volume, comme le Golem ou Frère Vaudou, ils pourraient cependant faire doublon avec vos intégrales Marvel Two-In-One déjà parues chez Panini, et dont l’existence en version française reste à mes yeux une agréable anomalie.


En matière de contenu, l’omnibus Marvel Horror est accessible à une grande partie des lecteurs, pour peu qu’ils soient curieux et ouverts à l’exploration des différents courants de l’horreur dans la bande dessinée américaine. L’ensemble peut paraître inégal en ce qui concerne le traitement, et même parfois daté, mais cela ne contredit pas ce qui me semble être l’objectif principal du volume : proposer un tour d’horizon de l’horreur chez Marvel durant son apogée libératrice. La mission est réussie et ajoute à l’aspect inattendu d’un tel omnibus un caractère historique et patrimonial très important.
Enfin, les bonus disséminés au fil de la lecture sont plaisants et les couvertures originales présentées ont le bon goût de ne pas être charcutées par une traduction et des retouches hasardeuses, comme c’est parfois le cas dans les intégrales de Panini.
WEIGHT OF THE LIVING DEAD
Si vous suivez de près le marché des comics en France, vous n’avez pas pu passer à côté des tonnes d’omnibus, y compris au sens propre, sorties chez Panini ces derniers mois.
Toujours plus gros, toujours plus chers, et proposant un contenu toujours plus confidentiel réservé à un petit nombre d’initiés, ces volumes à tendance gargantuesque font couler presque autant d’encre qu’ils en contiennent.
Pour ma part, et pour établir un contexte bien clair, je ne suis pas spécialement un amateur d’omnibus. Outre le magnifique Big Damn Sin City de Dark Horse ou les trois volumes de Tomb of Dracula cités plus haut, ma bibliothèque en compte assez peu.
Je ne suis pas non plus du genre à acheter tout ce qui sort en librairie sous prétexte de le posséder, au détriment de mon intérêt réel pour le contenu des bouquins, et je choisis d’autant plus raisonnablement mes achats quand ils affichent un prix à trois chiffres.


En parlant de chiffres, avec plus de mille trois cents pages au compteur, cet omnibus Marvel Horror est l’un des plus gros de Panini, aux côtés des sagas Heroes Reborn et Onslaught. Son contenu est pourtant bien plus exotique que les sempiternels crossovers de la Maison des Idées et reflète incontestablement l'appétence d’une partie du lectorat français pour les promenades en dehors des sentiers battus. De toute évidence, de par son format et son prix, cette publication s’adresse à des amateurs très pointus dans leurs choix de lectures.
La politique éditoriale de Panini Comics a très longtemps été chaotique. Et si elle tend à s’améliorer ces dernières années, en limitant la multiplication désorganisée des collections et les variations incompréhensibles de formats d’une série à l’autre, elle est encore loin d’être exemplaire.
Entre un planning des sorties aussi charnu qu’agressif, tant pour ses concurrents que pour le porte-monnaie des lecteurs, et une communication globale qui reste au moins aussi imparfaite que celle de n’importe quel grand groupe, l’éditeur aux racines transalpines est souvent la cible de critiques acerbes. Parfois fruit d’un “Panini bashing” quasi automatique et peu argumenté, parfois justifiées, il faut le reconnaître.


Aussi, il n’est pas étonnant qu’un tel afflux d’omnibus en pleine crise du papier fasse réagir, notamment sur les réseaux sociaux où chacun y va de sa réflexion quant à la saturation du marché ou l’impossibilité d’assurer l’intégrité d’un ouvrage aussi volumineux dans le temps. Certains témoignent même d’omnibus qui se seraient comme “écroulés sur eux-mêmes” à force de rester debout sur une étagère, la reliure ne pouvant pas supporter un aussi grand nombre de pages dans la durée.
Indéniablement, l’aspect pratique du format omnibus pose question. Impossible de tenir un livre aussi mastoc à bout de bras pendant des heures, pas question de le mettre dans son sac à dos pour partir en vacances, ni de le ranger négligemment dans sa bibliothèque en raison de son poids et de son volume. Moi-même, j’ai dû me livrer à quelques contorsions pour prendre les photos d’illustrations de cet article…
Cela étant, personne ne pourra dire qu’il s’agit là d’une surprise. Le lecteur qui dépense cent euros dans un si gros bouquin est souvent rodé aux joies du rangement d’une bibliothèque déjà surchargée et dispose sans doute de quelques astuces dignes d’un champion de Tetris.
Le coût d’un tel monstre est également au centre de débats. Compte tenu de son prix, peu de chance qu’il atterrisse chez vous sur un coup de tête, et pratiquement impossible d’en faire un achat de curiosité pour un néophyte.
D’ailleurs, le fait que l’édition limitée (uniquement disponible via le site de Panini) soit tirée à seulement 200 exemplaires confirme que le public visé est dérisoire, même à l’échelle du marché de niche des comics.
Alors pourquoi ne pas proposer son contenu en plusieurs volumes ? Techniquement, cela ne rendrait pas l’ensemble moins cher ou plus accessible, tout en représentant un gros risque de perdre une partie du lectorat en route.
Inutile de soulever la fameuse question du “prix à la page”, déjà rarement pertinente, et absolument inapplicable quand on parle d’éditions hors-normes ou prestigieuses jouant un rôle patrimonial au-delà du simple aspect commercial.
Le choix de l’omnibus paraît donc finalement plutôt logique dans ce cas. Soit vous êtes vraiment intéressé et vous sautez le pas une bonne fois pour toutes, soit vous doutez et je vous conseille tout simplement de rebrousser chemin et de garder votre argent pour autre chose. De mon point de vue, se lancer dans un tel investissement sans vraiment savoir ce que l’on va trouver à l’intérieur, ou sans se passionner pour l’histoire de la bande dessinée américaine dans toute sa diversité, se résume à un achat compulsif que l’on regrettera tôt ou tard.
L’omnibus Marvel Horror, c’est un peu comme cette vieille bicoque en haut de la colline, dont on vous raconte depuis votre plus tendre enfance qu’elle est hantée. Vous y entrez à vos risques et périls pour faire face à des légendes du passé, et vous pourriez bien le regretter si vous n’êtes pas assez préparé.
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Alors, les liens vers les deux versions de l'omnibus, sur le site de Panini, sont dans l'article. Ce matin, les deux étaient encore disponibles. Effectivement, le prix est bien de 100€.
Pour l'intégrale Justice League, si on parle bien de la même, elle fait un peu plus de 500 pages, ce qui est déjà beau, mais l'omnibus dont je parle fait pratiquement le triple ! ^^'
En plus de ça, la différence de prix s'explique sûrement par la différence de public visé, le format, les tirages et objectifs de vente... Je pense que ces deux bouquins ne jouent absolument pas dans la même cour.
De plus, le contenu est effectivement ancien, mais il a quand même fallu le traduire, ou le retraduire dans certains cas. Donc il n'est pas forcément amorti d'avance pour Panini ! 😉
En tout cas, merci pour ton commentaire !
En matière d'horreur il y a aussi la série marvel zombie avec le crossover de evil dead . Une question : je ne trouve pas les marvel horreurs ... Je sais que c'est une édition limitée mais je ne trouve aucune photo , pas de prix , à croire qu'il n'a jamais existé . Le seul que je trouve c'est celui avec la momie à 100 euros , vu que l'autre est introuvable , il était à 200 euros ?
PS: Justice League Intégrale est à 30 euros . Je ne comprends pas trop la différence de prix , il est aussi volumineux . Ce sont des vieux machins aussi chers c'est abusé !