COMICS POSTCARD - DES COMICS POUR LES PAUVRES !
V pour Vendetta + Nou3 + Deadpool
Les salauds, ils ont fermé Skyblog !
Il y a pratiquement une vingtaine d’années, j’ouvrais mon premier Skyblog.
Skyblog, c’était vraiment de la merde, mais bon, quand t’es un ado qui veut parler de ce qu’il aime sans être un crack du web 2.0, tu prends ce qu’on te donne.
Et bah, quand t’es pauvre, c’est un peu pareil, tu fais avec ce que tu as. C’est pour ça que de voir des gens se plaindre des comics à petit prix qui fragiliseraient le marché de la bande dessinée tout entier par leur simple existence, ça me fatigue un peu.
On parle ici des collections distribuées par Carrefour et Panini Comics ou des Urban Nomad, dont l’éventail de prix va de 2,99 €, mais uniquement en supermarché et pour une durée limitée, à 9,90 € pour des ouvrages en petit format disponibles dans toutes les libraires. Des prix qui ont leur importance, surtout quand il s’agit du coût de l’accès à la culture. Car ouais, spoiler : les pauvres mortels se serrent la ceinture. Et si c’est vrai pour la bouffe et le chauffage, ça l’est d’autant plus pour le budget consacré au divertissement. Alors oui, beaucoup de passionnés sont encore en mesure de dépenser vingt, trente, voire quarante euros pour un livre, mais ce n’est clairement pas le cas de tout le monde.
Vous connaissez la rengaine : chacun voit midi à sa porte, et il est évident qu’un tas de paramètres entre en jeu dans notre appréciation de ce qui est essentiel ou non. Mais à force de vivre dans une bulle où la normalité est de claquer des centaines d’euros chaque mois pour quelques bouquins, nous finissons tous par souffrir d’un vilain décalage horaire.
La réalité, c’est que beaucoup de personnes, souvent silencieuses sur les réseaux sociaux, sont très contentes de trouver des comics pour pas cher, loin, très loin des considérations des libraires, des éditeurs, et des lecteurs acharnés qui veulent soutenir un marché de niche. Enfin, je ressens également une forme de mépris pour ce que certains, au sein même de la sphère francophone des amateurs de comic books, semblent considérer comme étant des “comics à deux balles” ou des “comics pour pauvres”, comme si le prix auquel on paie un bouquin permettait de valider un statut social. Étrange paradoxe que de promouvoir une culture confidentielle tout en exprimant du dédain pour des livres qui doivent justement servir de porte d’entrée au plus grand nombre...
C’est pour ça que, par pur esprit de contradiction, je vais vous conseiller quelques incontournables à petit prix à lire ou à offrir !
Évidemment, n’hésitez pas à propager la bonne parole en partageant cette COMICS POSTCARD autour de vous !
Alors oui, la collection Urban Nomad, c’est petit, c’est un format souple, les planches ne sont pas forcément mises en valeur, c’est n’est pas toujours le meilleur moyen de découvrir des classiques comme Watchmen, Superman : Red Son, ou Batman : Un Long Halloween, mais pour des lecteurs et des lectrices au budget modeste, ça sera peut-être la seule façon de le faire.
Donc, si vous pouvez vous payer un livre à 35€, et bien, faites-le et profitez-en bien. Mais si vous n’avez que dix balles dans la poche pour vous offrir un comics, la collection Nomad est absolument imbattable niveau rapport qualité / prix, et j’y ai sélectionné deux récits complets en un seul tome, accessibles à toutes et tous, même si vous n’avez jamais ouvert un comic book de votre vie.
À partir de la fin des années 1970, notamment avec le magazine 2000AD, la bande dessinée britannique adopte un ton définitivement plus provocateur et critique envers la société que celui de son homologue américaine. Une nouvelle génération d’auteurs vient renverser l'ordre établi et jouer avec les codes du médium jusqu’à les réduire en miettes. Parmi eux, Alan Moore et David Lloyd, qui débutent en 1982 la publication de leur série V pour Vendetta au Royaume-Uni, avant que celle-ci ne soit reprise par le label Vertigo de DC Comics aux États-Unis.
En 1997, dans un monde ravagé par une guerre nucléaire durant les années 1980, l'Angleterre est devenue un état totalitaire dirigé par Norsefire, un parti néo-fasciste appliquant une violente répression envers les minorités.
V, un mystérieux anarchiste masqué décidé à renverser par tous les moyens la dictature en place, prend sous son aile Evey, une jeune femme qui allait être violée et tuée par des agents du gouvernement pour avoir cherché à se prostituer pour subvenir à ses besoins. Au fur et à mesure que l’histoire avance, on en apprend plus sur V, tandis que Evey est ballotée ici et là dans un monde impitoyable dans lequel il faut se méfier de tout et de tout le monde.
Récit d'anticipation s'attaquant entre autres au totalitarisme, à la surveillance de masse et à la manipulation des médias, V pour Vendetta est pour Alan Moore une vision de ce que l'Angleterre serait devenue si Margaret Thatcher était restée au pouvoir.
L’œuvre de Moore et Lloyd est particulièrement engagée, porteuse d’une vision politique très claire, prônant l’anarchisme, l’antifascisme et condamnant toute forme d’oppression, qu’il soit question de racisme, d’homophobie ou de toute autre discrimination. Elle traite également des méthodes employées par les fascistes pour réécrire l’histoire et en modifier les éléments factuels, mais aussi de comment le peuple doit s’unir jusqu’à ne symboliquement faire qu’un pour désobéir et reprendre le pouvoir.
L’emblématique masque de Guy Fawkes porté par le héros, figure de contestation et de soulèvement populaire, a ensuite été repris par le mouvement des Anonymous, qui regroupe plusieurs formes de militantisme.
V pour Vendetta est un chef-d’œuvre visionnaire qui, surtout pour moins d’une dizaine d’euros, ne peut que trouver sa place dans votre bibliothèque, en plus d’être l’évidente démonstration qu’en tant qu’art, la bande dessinée livre toujours un message, que vous le vouliez ou non.
Toutes les infos sur V pour Vendetta dans la collection Urban Nomad sur le site de Urban Comics !
« L’Homme est un loup pour l’Homme » une maxime peu flatteuse pour le loup en ces temps où la cause animale est plus que jamais d’actualité, et dont Nou3 nous fait une nouvelle démonstration absolument bouleversante.
Parue en 2004 sur le label Vertigo de DC Comics, Nou3, ou We3 dans sa version originale, est une mini-série en trois numéros scénarisée par Grant Morrison et dessinée par Frank Quitely.
On y suit le périple de trois prototypes d’armes d’une nouvelle génération, hybrides entre l’animal et la machine. Respectivement nommés 1, 2 et 3 : un chien, un chat et un lapin ont été transformés dans le plus grand secret en machines de guerre.
Parvenant à s’échapper, ils vont être pris en chasse par le gouvernement américain, bien décidé à les éliminer, compte tenu de la menace que présente désormais sa sordide création. Une cavale sans pitié qui vous prend aux tripes pour ne plus vous lâcher, grâce à un rythme absolument impeccable.
Le fait que les trois animaux soient dotés d’un semblant de parole suite aux modifications qu’ils ont subies renforce l’attachement et l’empathie du lecteur, d’autant que le caractère de chacun des protagonistes est plutôt bien pensé et reste assez réaliste pour que l’on n’oublie pas qu’ils sont des animaux avant d’être des machines.
Nou3 est une histoire touchante, intelligente et intemporelle, elle parlera à tous ceux qui sont sensibles au sort des animaux et encore plus largement à n’importe qui ayant déjà eu un animal de compagnie dans sa vie.
Posant de nombreuses questions éthiques quant à l’utilisation des animaux par les êtres humains et ses dérives, Nou3 est autant un plaidoyer du droit animal qu’un discours antimilitariste, dont la relecture m’a, une fois encore, donné quelques frissons. Sûrement l’un des meilleurs comic books sur cette thématique, qui mériterait d’être ajouté aux programmes scolaires.
Vous l’aurez compris, pour moi, Nou3 est un indispensable absolu. Impossible d’être déçu par cette lecture, dont vous ne ressortirez sûrement pas indemne, cependant.
Toutes les infos sur Nou3 dans la collection Urban Nomad sur le site de Urban Comics !
Chez de Panini Comics, l’offre est (sans surprise, avouons-le), moins claire que chez Urban. Aux côtés des opérations exclusivement disponibles chez Carrefour, on trouve d’autres gammes de comics à petit prix comme Le Printemps des Comics, une série de récits autour des super-héroïnes de Marvel, une autre célébrant le soixantième anniversaire de Spider-Man, ainsi que la collection Marvel-Verse, dont chaque tome est centré sur un personnage en particulier.
En recollant les morceaux, c’est tout de même l’occasion de lire à moindre coût les aventures de Jane Foster devenue Thor par Jason Aaron et Russell Dauterman, Spider-Man Bleu et Daredevil Jaune par le duo Jeph Loeb / Tim Sale, ou encore des classiques comme Weapon X de Barry Windsor-Smith et La Dernière Chasse de Kraven. Là encore, difficile de faire un choix, mais tant qu’à me fâcher avec des gens en conseillant de méprisables lectures destinées au prolétariat, je vais vous parler de Deadpool : Il faut soigner le soldat Wilson de Duane Swierczynski et Jason Pearson.
Deadpool, c’est le personnage automatiquement conspué par tous les pseudo-puristes. Il est populaire, donc il est forcément à chier : une logique imparable, vous en conviendrez. Pourtant, s’il y a bien une histoire à lire absolument pour changer d’avis sur Deadpool, c’est Wade Wilson’s War, ou Il faut soigner le soldat Wilson en français, publiée par Marvel en 2010.
Un terrible massacre a été perpétré au Mexique et il semblerait que Deadpool n'y soit pas étranger. Convoqué devant le Sénat américain pour éclaircir la situation, Wade Wilson, mercenaire disert et éternel provocateur, va devoir expliquer son rôle et celui de son équipe ; composée de Domino, Silver Sable et Bullseye ; dans cette opération dévastatrice.
Seulement, comment être sûr que Deadpool raconte la vérité, lui qui est pour le moins perturbé et instable ? Entre ses origines romancées et le résumé de sa mission totalement fantasmé, Deadpool livre un témoignage déjanté que tous les autres protagonistes vont devoir tempérer.
Il faut soigner le soldat Wilson exploite parfaitement le personnage, tant dans des scènes d’action explosives que comme élément comique, mais aussi dans des passages plus dramatiques, notamment quand on nous raconte les tortures qu’il a subies pour devenir ce qu’il est aujourd’hui. Entre flashback à mi-chemin entre fiction et réalité, et procédures juridiques perturbées par les blagues douteuses du mercenaire de Marvel, le rythme ne souffre d’aucun temps mort. Utilisant brillamment les multiples personnalités de Wade Wilson, cette saga en quatre épisodes condense tout ce qu’il y a à savoir sur Deadpool, et on regrettera fortement de ne pas toujours retrouver la même profondeur dans les autres récits qui le mettent en scène.
À la fois touchant, drôle et prenant, Il faut soigner le soldat Wilson est tout simplement la meilleure histoire de Deadpool. Excellente porte d’entrée pour découvrir le personnage, elle est également idéale pour les grands ados et les adultes qui voudraient débuter les comics de super-héros.
Toutes les infos sur Deadpool : Il faut soigner le soldat Wilson sur le site de Panini Comics !
Il y a toujours des zigotos pour croire qu’un prix élevé rime avec qualité, ou pour être prêts à se ruiner juste pour briller aux yeux des autres. Mais la bande dessinée est un divertissement, un produit de consommation populaire, qui doit rester accessible.
Voir une élite arrogante cracher sur des formats qui, de toute façon, ne lui sont pas destinés, est sûrement bien plus préjudiciable au marché des comics en France que ces offres à petit prix elles-mêmes.
Enfin, il faut, de toute évidence, continuer à soutenir le travail d’éditeurs comme Bliss, Delirium, et tant d’autres, qui participent à la préservation et à la diffusion du patrimoine de la bande dessinée américaine chez nous. Une démarche qui n’est pas incompatible avec le fait d’avoir des comics à 2 € dans sa bibliothèque.
Jusqu’à la prochaine fois, je compte sur vous pour avoir de saines lectures !
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