Avec COMICS FROM BEYOND, je sonde les profondeurs de l’histoire de la bande dessinée américaine et en exhume les comic books les plus étranges ou obscurs ! Aujourd’hui, on se penche sur un petit monument du comic book horrifique pré-Comics Code avec le premier numéro de The Thing !, chez Charlton.
En 1951 sort The Thing from Another World, film mêlant horreur et science-fiction adapté de la nouvelle Who Goes There ? de John W. Campbell, parue pour la première fois en 1938 dans les pages du magazine Astounding Science Fiction.
Considérée comme l’une des histoires les plus influentes de la science-fiction, la nouvelle de Campbell sera de nouveau portée à l’écran en 1982, cette fois-ci par John Carpenter, sous le titre The Thing.
Réalisé par Christian Nyby, The Thing from Another World est un succès au box-office, s’imposant comme le film de science-fiction le plus rentable de l’année, devant Le Jour où la Terre s'arrêta et Le Choc des Mondes, deux autres super-productions du même genre. Comme souvent la littérature populaire des pulp’s, le cinéma et les comics forment un réseau d’influences mutuelles. C’est ainsi qu’au début de l’année 1952, l’éditeur Charlton Publications lance, via son label Song Hits Inc., le premier numéro d’un périodique de bande dessinée horrifique intitulé The Thing !, dont on peut aisément imaginer qu’il tire son titre du long-métrage distribué par la RKO moins d’un an auparavant. Une impression renforcée par la thématique du premier des quatre récits présents au sommaire du magazine.
Dans “The Creature from the Dimension 2-K-31”, l’expérience du Docteur Riko, un vieux scientifique un brin dérangé, amène dans notre monde une créature venue d’une autre dimension. Le monstre informe atterrit en pleine guerre de Corée face à un petit groupe de G.I. Américains qui découvre bientôt les capacités de cette repoussante entité. La créature de la Dimension 2-K-31 peut prendre l’apparence d’autrui jusqu’à ce que toute différenciation soit impossible !
Un intermède permet de comprendre les origines de cette forme de vie venue d’un autre monde, qui a en fait échangé sa place avec celle de l’un des singes cobayes du Docteur Riko. On apprend également que le seul point faible du changeforme est de pouvoir être facilement capturé par une importante quantité d’acier.
Attiré par la masse métallique d’un tank russe abandonné par les Coréens, le monstre y est emprisonné, tandis que l’armée américaine rapatrie le véhicule blindé vers les États-Unis, emportant sans le savoir le terrible danger qu’il représente sur son sol…
Une histoire plutôt amusante et particulièrement fantasque, notamment dans sa représentation de la dimension parallèle 2-K-31 et de ses habitants. Si elle est peut-être la plus faible de ce premier numéro dans sa construction, elle n’en demeure pas moins ouvertement inspirée par Who Goes There ? de John W. Campbell, comme quand les G.I ne parviennent plus faire la différence entre leur sergent et la créature, qui a imité son aspect physique dans les moindres détails.



Dans “Grunwald”, le gardien de phare Joe Curran arrive pour douze mois sur l’île de Grunwald où il rencontre ses futurs collègues : le bossu Hans Kruger et Arturo, un benêt au crâne lisse comme une boule de billard.
Alors qu’un bateau lugubre et abandonné s’approche dangereusement du phare, notre boys band du pauvre perçoit du mouvement à bord : le navire est infesté de rats ! Et il fonce droit sur eux ! La panique s’empare du trio qui va tenter de survivre à cette invasion cauchemardesque.
Sûrement l’une des meilleures histoires du fascicule ; la tension y est palpable, l’ambiance oppressante, et les dessins à la hauteur du sentiment d’enfermement et de l’angoisse communiqués par le petit groupe hétéroclite.


Dans “Nightmare”, les lecteurs suivent les journées monotones de Hiram Crane.
Chaque matin, l’homme se lève très tôt et suit la même routine : même trajet, même métro. Mais voilà cinq jours que Hiram remarque un mystérieux individu dormant dans la rame, toujours dans la même position. Pensant être suivi, il s’approche de l’homme et lui ôte son chapeau, découvrant un corps sans tête ! Un cadavre !
En parallèle, la police est sur la trace d’un maniaque, un tueur en série qui décapite uniquement des usagers du métro masculins portant des chapeaux. Des crimes d’autant plus horribles que les têtes des malheureux restent introuvables.
De son côté, Hiram, traumatisé, ne peut se résoudre à de nouveau emprunter les transports en commun et préfère rentrer à pied. Étrangement, il ne prévient personne, doutant de la véracité de ce qu’il a vu le matin même, il pense à une hallucination tant cela lui semble surréaliste. L’inspecteur de police chargé de l’affaire prend le métro après son service et y tombe nez à nez avec Hiram Crane, qui se révèle être le tueur. Une bagarre éclate, et Hiram finit par sauter en marche. Il survit miraculeusement à la chute, et les policiers découvrent les têtes réduites de ses victimes dans sa sacoche.
Dans un dernier monologue, Hiram explique que c’était un hobby pour lui de collectionner les têtes, avant de finalement brandir la sienne dans les airs et d’expirer pour de bon.
Un récit étrange, servi par une narration intense, même si un peu brouillonne, qui brille grâce à sa conclusion surnaturelle, qui tranche avec l’introduction très terre-à-terre. Si ses sept pages ne permettent pas d’expliquer en détails le comportement de Crane, le twist final fait son petit effet tout en brouillant définitivement la frontière entre réalité et fiction.
Le dernière histoire, “Hellfire of Doom”, entraîne le journaliste Louis Mann et l’inspecteur Dick Trails dans une enquête sur d’effroyables combustions spontanées.
Un commercial, puis un jeune couple en quête d’une bague de fiançailles, de plus en plus de gens sont victimes de ces attaques qui frappent au hasard.
Le maire a reçu une lettre de revendication signée par un énigmatique Hellfire of Doom, qui menace de brûler toute la population s’il ne reçoit pas dix millions de dollars sur le champ ! Lorsque l’un de ses conseillers s'oppose à ce que la rançon soit payée, il s’embrasse instantanément. La panique s’empare de la ville et les autopsies menées révèlent que les combustions spontanées sont causées par des rayons infra-rouge.
Le Docteur Hirozi, un scientifique aliéné interné en maison de repos, est suspecté d’être derrière les crimes du Hellfire of Doom. Mann et Trails décident de lui rendre visite et apprennent que Hirozi s’est volatilisé dans la nature, ce qui les conforte dans l’idée de sa culpabilité. Mais leur espoir d’avoir déniché le responsable est de courte durée : Hirozi est retrouvé mort, renversé par une voiture.
Alors que le Hellfire of Doom fait une nouvelle victime innocente, l’inspecteur Dick Trails a soudain une révélation. Le coupable n’est autre que son camarade, Louis Mann, équipé d’un dispositif infra-rouge caché sous sa veste ! Cela explique pourquoi il était toujours présent sur les lieux des meurtres, pourquoi il tenait tant à ce que le maire paie la rançon et pourquoi il connaissait la cause de la mort de Hirozi avant même qu’on ne la lui annonce.
Encore une fois, le format étriqué, typique de ces fables horrifiques des comic books des années 1950, laisse peu de place à un développement clair et cohérent ; l’ultime lever de rideau misant plus sur l’effet de surprise que sur une parfaite rationalisation des faits présentés. Mais le fun est bien présent !


Il faut souligner que l’intégralité de ce premier numéro de The Thing ! a été concoctée par le duo formé par Robert Forgione et Albert Tyler. Une équipe créative dont l'inventivité et l’efficacité sont remarquables. Il flotte dans ces planches un sulfureux mélange, entre humour cynique et volonté de choquer grâce à une violence graphique assez explicite.
Si Tyler a œuvré sur plusieurs histoires de crime et d’horreur pour Timely et Charlton, Forgione a connu une carrière encore plus prolifique. Travaillant pour Atlas, DC Comics et Dell ; sur des titres de science-fiction et de guerre comme Strange Tales, Tales to Astonish, Our Army at War, Star Spangled War Stories ; ou encore l’adaptation en bande dessinée de Lassie, il a également collaboré avec Sy Barry sur les strips de The Phantom, le héros créé par Lee Falk.
Au fil des dix-sept numéros, The Thing ! a eu l’honneur d'accueillir des artistes comme Al Fago, lui-même éditeur chez Charlton, mais aussi et surtout Steve Ditko, plus tard co-créateur de Spider-Man ou du Docteur Strange chez Marvel Comics. On aura sûrement l’occasion de reparler de tout ça un jour…
Jusqu’à la prochaine fois, je compte sur vous pour avoir de saines lectures !
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COMICS FROM BEYOND - BEHIND PRISON BARS #1
Avec COMICS FROM BEYOND, je sonde les profondeurs de l’histoire de la bande dessinée américaine et en exhume les comic books les plus étranges ou obscurs ! Aujourd’hui, direction la zonzon avec Behind Prison Bars #1, un Crime Comics publié en 1952 chez Avon Periodicals.
Rien à voir avec le film de John Carpenter "The Thing" ? Car je n'ai jamais entendu parler du comics ... Il s'en est inspiré ou c'est juste le même nom ?