À l’occasion de l’arrivée de la série animée X-Men ‘97 sur Disney+, je reviens sur l’incroyable succès rencontré par les mutants de Marvel Comics durant les années 1990. Dans ce nouvel article, on va parler d’un étonnant comic book promotionnel pour l’anti-acnéique Stridex, qui met en scène les X-Men !
Comme je vous l’ai raconté précédemment, la sortie de X-Men #1, scénarisé par Chris Claremont et dessiné par Jim Lee, en 1991, a définitivement consolidé la “Mutant Mania” qui agite le monde des comics depuis la fin des années 1980.
À partir du début des années 1990, les mutants de Marvel deviennent un véritable phénomène de société et la licence X-Men se décline sur tous les supports, envahissant les écrans de télévision, les magasins de jouets, et même les chaînes de restauration rapide !
Depuis sa création, le format comic book est un support publicitaire de choix pour les annonceurs américains. Qu’il s’agisse de jeux de société, de sodas, ou de méthodes diverses et variées pour obtenir un corps d’athlète sans effort, la version originale de nos bandes dessinées préférées a longtemps permis à des marques d’atteindre un large public, souvent très jeune, pour le convaincre d’acheter, ou de faire acheter à leurs parents, tout et n’importe quoi.
D’autre part, il arrive que certains personnages de fiction issus de la culture populaire, dont des héros de comics, participent plus ou moins directement à des campagnes publicitaires pour différentes marques. Ainsi, la campagne “Got Milk ?”, vantant les prétendus mérites du lait de vache en comparaison des laits végétaux, s’est offerte les services de plusieurs super-héros ; comme Batman, Superman, Hulk, ou encore Spider-Man ; mais aussi des incarnations à l’écran de certains d’entre eux ; dont Brandon Routh pour la sortie de Superman Returns, ou Hugh Jackman en Wolverine.
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Mais il arrive aussi qu’annonceurs et éditeurs aillent plus loin et proposent carrément des comic books complets à visée promotionnelle.
Des fascicules distribués gratuitement, ou en échange de bons à collectionner, offerts par des marques pour promouvoir leurs produits auprès des lecteurs de comics. Si cette pratique a tendance à disparaître, la publicité destinée à un jeune public étant de plus en plus encadrée, suite à d'innombrables dérives, elle a connu son heure de gloire entre les années 1980 et 2000 grâce à deux secteurs bien identifiés : les jeux vidéo et les goûters saturés en sucre. Cependant, le comic book promotionnel qui nous intéresse aujourd’hui ne concerne ni les loisirs vidéoludiques, ni la malbouffe, mais un tout autre domaine bien connu des adolescents : les problèmes de peau !
Appartenant au géant pharmaceutique Bayer, Stridex est une célèbre marque de traitement contre l’acné, créée en 1959 aux États-Unis. Elle est la première à avoir proposé des lingettes imprégnées d’une formule astringente sans alcool, disponibles sans ordonnance. Durant plusieurs décennies, la marque s’est offerte de nombreuses pages de publicité dans les comics, imaginant sans doute que ces illustrés peuplés de super-héros en costumes chamarrés s’adressaient en premier lieu à des gamins boutonneux cherchant désespérément une solution pour se débarrasser de leur peau grasse et acnéique. Sur ce point, je me vois au regret de ne pas pouvoir leur donner totalement tort. Désolé.
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Puisque les fans de super-héros ont nécessairement un excès de sébum, et donc besoin d’utiliser Stridex, il semblerait que quelqu’un au sein de cette société a eu la brillante idée d’offrir un comic book inédit à quiconque renverrait une preuve d’achat d’un produit de la marque et un dollar symbolique.
Parue en 1993 et sobrement intitulée Marvel Collector’s Edition X-Men #1, cette bande dessinée réalisée en collaboration avec la Maison des Idées est écrite par Danny Fingeroth, principalement connu pour son travail d’éditeur sur Spider-Man ou The New Warriors, mais aussi pour avoir été le scénariste des aventures en solo de Dazzler et de Darkhawk, et dessinée par Scott McDaniel, reconnu pour son travail sur Daredevil, Nightwing, ou encore Batman. Un duo somme toute solide et bankable pour cette histoire qui voit les X-Men affronter la Confrérie des Mauvais Mutants.
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Dans un lycée new-yorkais, le jeune John Dee est soudainement doté d’un pouvoir destructeur. L’éveil de ce nouveau mutant interpelle Charles Xavier qui ordonne à ses X-Men de partir à la rencontre de l’adolescent pour lui venir en aide.
Malheureusement, depuis sa base orbitale, l’Astéroïde M, Magneto a également détecté l’apparition du mutant, et espère le recruter au sein de sa Confrérie.
Ainsi, tandis que John Dee provoque une scène de panique sans précédent dans son école, Pyro, Avalanche, le Blob, Emma Frost et le Fléau font irruption, menés par le Maître du Magnétisme. Heureusement pour le jeune homme, les X-Men arrivent à la rescousse ! Cyclope, Tornade, Colossus, Kitty Pride et Diablo, guidés par le Professeur X, débarquent juste à temps pour empêcher la Confrérie de manipuler l’esprit de John.
Les élèves de Xavier et les Mauvais Mutants déclenchent une bagarre qui ravage le lycée, et ce sont finalement les camarades de John qui parviennent à calmer la situation en aidant ce dernier à maîtriser ses pouvoirs naissants par lui-même, sans avoir à se reposer sur l’un des deux camps présents. John Dee explique alors qu’il ne compte pas rejoindre les rangs de Confrérie des Mauvais Mutants, mais qu’il ne veut pas non plus devenir un élève de l’institut pour jeunes surdoués de Xavier. Il souhaite rester auprès de ses proches, et utiliser ses pouvoirs pour aider ses amis et sa famille. Le jeune mutant ayant été accepté par les autres lycéens malgré sa différence, les X-Men et Magneto repartent bredouilles.
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Alors, ce comic book né du partenariat entre Marvel et Stridex a-t-il de quoi vous filer des boutons ?
Et bien, malgré une narration un peu décousue, un découpage parfois grossier, et une disposition plutôt étrange de certains phylactères, la lecture de ce Marvel Collector’s Edition X-Men #1 n’est pas foncièrement désagréable. Cette courte histoire, qui s’adresse avant tout à de jeunes lecteurs et lectrices ayant déjà quelques connaissances de l’univers des X-Men, résume plutôt bien les grandes thématiques des séries mutantes de Marvel : la tolérance, l’intégration, la vie en communauté, et le droit à la différence. Certes, la conclusion de ce comic book repose principalement sur le pouvoir de l’amitié ; une facilité scénaristique qui sera vite classée dans la catégorie des clichés éculés ; mais il faut garder en tête qu’il s’agit d’un bonus offert en échange d’une preuve d’achat, dont l’objectif n’est sûrement pas de réinventer la roue. D’ailleurs, il est presque étonnant de constater que la marque Stridex ne joue aucun rôle dans l’aventure de John Dee, ce qui, avec le recul, aurait été aussi amusant que gênant.
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L’une des seules particularités remarquables de ce numéro collector est la composition de l’équipe de X-Men en action : plus proche de l’image classique des premières années de Chris Claremont au scénario que de la formation populaire grâce au dessin animé de l’époque. Pas de Wolverine, pas de Gambit, pas de Cable, ni de Dents-de-Sabre du côté des Mauvais Mutants, à croire que tous les personnages bad-ass et borderline typique des 90’s ont été mis de côté par Fingeroth. Peut-être pour limiter la violence du récit, dans lequel les ados semblent déjà bien plus responsables que les héros…
Enfin, les amateurs et amatrices d'exotisme seront sûrement ravis par la présence en fin de fascicule d’une grille de mots-mêlés, de quoi vous aider à patienter en attendant que votre traitement contre l’acné fasse effet !
Outre son mode de distribution atypique et sa couverture plutôt accrocheuse, cette excentricité née d’une collaboration inattendue n’a pas vraiment de raison de laisser une trace dans l’histoire de la bande dessinée américaine. Mais Marvel Collector’s Edition X-Men #1 me paraît être un parfait exemple de la façon dont les X-Men ont été utilisés à toutes les sauces au début des années 1990, et de la perception qu’avaient les marques du lectorat passionné de comics durant cette période où tous les excès semblaient permis.
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Merci pour cet article. Je ne connaissais pas "cette opération commerciale" ; à l'époque les X-Men m'avaient carrément donné mal au cœur à force de "forcer", j'allais jeter l'éponge juste avant Legion Quest ; je me rappelle très bien ces moustaches au lait dans les pubs dans les fascicules, elles me plaisaient bien ; encore merci