À l’occasion de l’arrivée de la série animée X-Men ‘97 sur Disney+, je reviens sur l’incroyable succès rencontré par les mutants de Marvel Comics durant les années 1990. Dans ce premier article, on va parler de X-Men #1 par Jim Lee et Chris Claremont, considéré comme le comic book le plus vendu de tous les temps, et de son impact sur le marché de la bande dessinée américaine !
Avant de devenir les stars de Marvel Comics que l’on connaît aujourd’hui, les X-Men ont un temps été boudés par le public. Apparus pour la première fois en 1963, sous la plume de Stan Lee et le crayon de Jack Kirby, les Enfants de l’Atome sont loin d’avoir rencontré un succès immédiat. Peinant à trouver leur place dans l’univers de la Maison des Idées autant que dans le cœur du lectorat, nos héros vont même être un temps privés d’aventures originales, les numéros #67 à #93 de la série proposant des réimpressions d’histoires déjà publiées précédemment.
Tout va changer en avril 1975, avec la sortie de Giant-Size X-Men #1, un numéro spécial de soixante-huit pages servant d’introduction à une toute nouvelle équipe de mutants formée par Charles Xavier, dont la mission sera de venir en aide à ses premiers étudiants, mystérieusement disparus sur l’île de Krakoa.
Écrit par Len Wein ; le co-créateur de Swamp Thing chez DC Comics et de Wolverine, qui va d’ailleurs rejoindre cette équipe de X-Men fraîchement formée ; et dessiné par Dave Cockrum, ce numéro marque le début d’une ère nouvelle pour la franchise jusqu’alors mal-aimée des lecteurs. Il faut dire que dans cette période post-guerre du Viêt Nam, les X-Men, symbole des luttes sociales et d’une idéologie pacifiste qui prône le vivre-ensemble, sont raccord avec les préoccupations du peuple américain. L’occasion ou jamais de leur offrir une seconde chance pour conquérir les lecteurs et les lectrices.
C’est avec le numéro #94 de X-Men, qui paraît en juin 1975, que débute la publication de nouveaux épisodes, qui mettent en scène les héros découverts dans Giant-Size X-Men #1. Rejoignant Cyclope et Jean Grey, Colossus, Tornade, Wolverine, ou encore Diablo, vont, sous la direction du scénariste Chris Claremont, jouir d’une popularité jusqu’alors inédite pour les mutants de Marvel.
Tout au long des seize années qu’il passe aux commandes des séries estampillées “X” de la Maison des Idées, Claremont développe et enrichit cet univers dans des proportions qui ne connaissent pratiquement aucun équivalent sur le marché de la bande dessinée de super-héros mainstream. Après avoir traumatisé de nombreux lecteurs avec la saga du Phénix Noir, qui débute dans le centième numéro de X-Men ; il imagine, dans Days of Future Past, un avenir impitoyable où les mutants sont emprisonnés dans des camps puis exterminés ; créé les New Mutants avec Bob McLeod en 1982 ; Excalibur avec Alan Davis en 1987 ; et écrit les premières aventures en solo de Wolverine dessinées par Frank Miller.
Chris Claremont est également scénariste des crossovers Mutant Massacre, Inferno, ou X-Tinction Agenda, durant lesquels il réunit la vaste galerie de personnages nés de son imagination. Des événements éditoriaux sur lesquels travaille une nouvelle vague d’artistes talentueux sur laquelle Marvel Comics mise à partir de la fin des années 1980, parmi lesquels Erik Larsen, Marc Silvestri, Rob Liefeld, Todd McFarlane, ou encore Jim Lee.
Après avoir fait ses premières armes chez Marvel sur Alpha Flight et Punisher War Journal, Jim Lee dessine pour la première fois un numéro de X-Men avec The Uncanny X-Men #248, en 1989. Il partage ce poste avec plusieurs autres artistes, dont Marc Silvestri, avant de devenir le dessinateur principal du périodique des numéros #268 à #277. Son trait précis et son découpage dynamique, indéniablement mis en valeur par l’encrage de Scott Williams, vont immédiatement séduire le public, et convaincre Marvel de lui confier une toute nouvelle série X-Men. Lancée pour asseoir une bonne fois pour toutes un succès qui ne cesse de grandir depuis Giant-Size X-Men #1 et capitaliser au maximum sur tous les éléments du lore mutant qui s’étend à n’en plus finir, elle est scénarisée, une fois encore, par Chris Claremont.
X-Men #1 sort en octobre 1991, et va dépasser toutes les attentes de l’éditeur, battant le record absolu du nombre d’exemplaires vendus.
Dans ce premier épisode, un groupe de fugitifs est recueilli par Magneto sur l’Asteroïd M, sa base secrète en orbite autour de la Terre. Lui jurant allégeance et promettant de poursuivre son combat pour la cause mutante, ils deviennent ceux que l’on nomme désormais les Acolytes.
Pendant ce temps, alors qu’ils testaient les défenses de l’institut pour jeunes surdoués, les X-Men sont missionnés par Nick Fury pour entraver les plans de Magneto, qui pourraient conduire à une escalade militaire avec la Russie. S'ensuit un affrontement entre les étudiants de Charles Xavier et les nouveaux protégés du Maître du Magnétisme. Un pitch simple, mais efficace et accessible aux néophytes, qui est l’occasion pour Claremont de présenter succinctement le caractère de chacun des protagonistes. Chapeautés par le Professeur X, les leaders Cyclope et Tornade sont entourés de têtes brûlées comme Wolverine, Gambit, Psylocke, ou encore Malicia, répartis entre deux équipes : Team Blue et Team Gold.
Avec son redesign de certains personnages, notamment celui de Cyclope, Jim Lee va faire mouche et donner un coup de jeune aux héros et héroïnes de Marvel. Sa vision des X-Men est, encore de nos jours, gravée dans de nombreux esprits.
Du côté du scénario, en replaçant Magneto au centre de l’intrigue, comme un antagoniste naturel représentant une véritable menace pour les Enfants de l’Atome, Claremont effectue un retour aux sources, et sûrement pour une bonne raison. Suite à des différends créatifs avec l’éditeur Bob Harras ; avec qui il ne communiquait plus que par fax interposés, c’est dire si l’ambiance entre eux était devenue glaciale ; l’auteur s'apprête à tirer sa révérence. Et après de longues années de service à écrire sur les Homo Superior, on peut imaginer que revenir aux origines du conflit mutant était pour lui une belle façon de boucler la boucle.
Chris Claremont conclut son run avec X-Men #3, à la fin de l’année 1991. Il reste le principal architecte de la mythologie mutante de Marvel, dont le travail influencera pendant de longues années les productions liées aux X-Men. Viscéralement lié à ses personnages, il reviendra chez l’éditeur au début des années 2000, écrivant notamment X-treme X-Men durant quarante-six numéros.
De son côté, Jim Lee reprend en main le scénario des publications X-Men, assisté de John Byrne ou Scott Lobdell, avant de quitter Marvel durant l’été 1992, après seulement onze numéros de sa série événement.
Il partira co-fonder Image Comics en compagnie d’autres artistes dissidents et y publiera, sous son label WildStorm, un titre de sa propre création : WildC.A.T.s., dans lequel on ressent l’influence de ses années passées au sein de la Maison des Idées. En 1996, il revient à ses premiers amours avec son acolyte Rob Liefeld pour sous-traiter le relaunch Heroes Reborn de Marvel Comics, avant de finalement revendre ses créations à DC Comics en 1998. Il y occupe actuellement le poste de président.
Au début des années 1990, le marché des comics est bouillonnant, et les éditeurs rivalisent d’ingéniosité pour entretenir la bulle spéculative qui ne cesse de grossir. Tandis que les comic books du Golden Age font rêver les spéculateurs en se revendant des fortunes, les rayonnages des comic shops sont envahis de couvertures à effet, tantôt chromées, tantôt en relief. Et après le succès du premier numéro de Man of Steel par John Byrne, en 1986, qui proposait deux couvertures différentes, les éditeurs vont régulièrement proposer des variant covers afin de démultiplier artificiellement les chiffres de vente.
Ce premier numéro X-Men signé Lee et Claremont se pose en parfaite démonstration de l’efficacité de la recette, en proposant pas moins de cinq couvertures : quatre mettant chacune en scène une partie de l’équipe, et formant une frise une fois mises bout à bout ; plus une cinquième édition collector à rabats, présentant l’intégralité du dessin de Jim Lee en une seule pièce.
Cette fresque, devenue légendaire, va rendre complètement fous les fans des X-Men qui, en bons complétistes, vont bien évidemment se procurer toutes les couvertures alternatives disponibles, espérant sans doute que leur valeur ne cessera d’augmenter avec le temps. Un revendeur rapportera même avoir vendu deux-mille-quatre-cents copies à un seul et même client…
La stratégie de Marvel porte ses fruits : en 2010, X-Men #1 a été reconnu par le Guinness World Record comme le comic book le plus vendu de tous les temps, avec plus de huit millions d’exemplaires écoulés.
Aujourd’hui mythique pour des milliers d’amateurs et d’amatrices de comics, la série X-Men de 1991 est le chant du cygne de Chris Claremont après seize ans de règne, et son passage de relais avec une nouvelle génération d’auteurs qui va totalement chambouler le monde des comic books. Souvent copié, mais rarement égalé, le style de Jim Lee va déterminer les standards des productions mutantes de la Maison des Idées pour la décennie 90, mais aussi ceux des publications concurrentes, qui se lanceront dans une course à la surenchère pour reproduire le colossal succès de X-Men #1. Cette version des X-Men deviendra l’une des plus populaires, ancrée durablement dans l’esprit du public par la série animée de 1992, les figurines articulées de Toy Biz, et de nombreux partenariats commerciaux, plus ou moins inattendus, signés par Marvel autour de la licence.
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Jim Lee j'aime beaucoup ses dessins toujours au top , je le connais principalement pour son passage chez DC avec justice league . Maintenant c'est lui qui dirige la société qu'il a fondée , il a lancé de nouveaux artistes . Beau parcours
Après, il ne faut pas oublier que l'un des problèmes entre Claremont et Harras, était, JUSTEMENT Lee.
Ce dernier voulait replacer les X-Men à Westchester et remettre Magneto comme principal antagoniste, effaçant ainsi plusieurs années d'évolution des perso, faites par Claremont.
Voulant favoriser la "nouvelle génération", Harras a pris le parti de Lee, pensant que Claremont céderait. Il n'avait pas prévu qu'il le prendrait comme une trahison personnelle et déciderait de partir...
Le plus triste étant que Lee allait à son tour, trahir Harras, moins d'un an plus tard, en annonçant son départ, et la création d'Image, durant une Convention, sans l'en avoir préalablement prévenu.
NB il existe d'ailleurs un passionnant documentaire (bien que commençant à dater) sur l'histoire de Chris Claremont et les X-Men... très logiquement appelé
Chris Claremont's X-Men.