L’EXÉCUTEUR : TUER, C’EST JOUER !
L’Intégrale Button Man par John Wagner et Arthur Ranson chez Delirium
À vos armes, prêts, partez ! Êtes-vous joueur ou joueuse au point de risquer votre propre vie ? C’est le cas de Harry Exton, sombre héros de la série de bande dessinée L’Exécuteur, signée John Wagner et Arthur Ranson, qui ressort en intégrale chez Delirium !
Co-créateur du légendaire personnage de Judge Dredd avec Carlos Ezquerra, scénariste du comic book A History of Violence dessiné par Vince Locke ; l’artiste derrière les visuels du groupe de death metal Cannibal Corpse ; John Wagner s’est imposé, depuis les années 1970, comme une figure incontournable du neuvième art britannique.
Bâtisseur d’univers, c’est aussi un auteur qui aime tremper sa plume affûtée dans l’acide pour créer des protagonistes bad-ass, des “gueules” marquées par une vie tumultueuse dans un monde dévasté par la guerre ou rongé par le crime.
Avec Button Man, ou L’Exécuteur en version française, John Wagner ne fait pas défaut à ses marottes, merveilleusement accompagné par une autre sommité du magazine 2000 AD : le dessinateur Arthur Ranson.
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Publiée à partir de 1992 dans le numéro 780 de 2000 AD, L’Exécuteur est découpée en quatre arcs narratifs, et a d’abord été partiellement traduite chez nous par Arboris, en 1995. Depuis 2016, la série a été reprise par les éditions Delirium, qui ont proposé les trois premiers volumes dessinés par Ranson : Le Jeu Mortel, La Confession et Les Proies. Ces trois tomes constituent le sommaire de l’intégrale qui nous intéresse aujourd’hui. Le quatrième et dernier en date, dessiné cette fois-ci par Frazer Irving, est pour l’instant inédit en français.
Ancien militaire dont l’attitude laisse deviner un passé mouvementé, Harry Exton accepte de sortir de sa retraite de mercenaire quand un vieux copain lui propose de participer à un jeu mortel qui peut rapporter gros. Missionnés par les Voix, de mystérieux commanditaires fortunés, les Exécutants s’y livrent un combat sans merci à l’issue duquel il n’y que deux options pour le perdant : la mort ou, pour les plus chanceux, la perte des phalanges de leurs doigts, appelées “marqueurs”.
Tueur de sang-froid, Harry y voit une opportunité unique d’y mettre à profit son expérience et ses capacités dans le seul but de se remplir les poches. Malheureusement pour lui, quand Exton comprend qu’il n’y a qu’une seule façon de quitter le jeu, il est déjà trop tard. Devenu la cible de sa propre Voix, il va devoir lutter pour survivre.



Véritable western moderne, un genre assumé et revendiqué par les auteurs dans plusieurs séquences tout à fait explicites, Button Man se place à mi-chemin entre Rambo, John Wick et Running Man, le tout saupoudré d’une pincée de James Bond. Son anti-héros borderline ; mentalement instable, assoiffé de violence, et ne respectant que sa propre version des règles du jeu ; évolue dans un environnement gangréné par les excentricités sanguinaires de quelques puissants, et où les alliés sont aussi rares que précieux. Exton n’est pas un héros, c’est certain, et John Wagner ne cherche jamais à le présenter comme tel, le montrant plutôt comme un individu perdu, désespérément lancé dans une fuite en avant pour échapper à un funeste destin qu’il a lui-même provoqué.
Pour la partie graphique, Arthur Ranson use d’un trait réaliste, voire même parfois naturaliste, comme en témoigne son utilisation des animaux dans certains passages. Son style méthodique et très texturé, fait de hachures et d’aplats de couleurs aux teintes uniformes, convient parfaitement à la férocité abrupte des affrontements entre assassins ; et la froideur qui se dégage de ses planches renforce l’aspect véridique des faits présentés, la frénésie meurtrière de Harry Exton y côtoyant l’austérité d’un système où l’accomplissement s’accompagne obligatoirement d’actes abominables.
Cette narration sans extravagance, mais loin d’être monotone pour autant, contribue au rythme impeccable du récit, John Wagner ayant pensé sa saga comme une authentique symphonie qui progresse crescendo jusqu’à son dénouement, durant lequel l’impitoyable joueur n’a d’autre choix que de poursuivre sa logique implacable.
Avec autant de qualités, on comprend que plusieurs projets d’adaptations aient vu le jour au fil des années. Pourtant, que ce soit au cinéma, sur Netflix, ou à la télévision, les tentatives de voir Button Man crever l’écran se sont toutes soldées par des rendez-vous manqués, pour l’instant.



Si j’ai voulu vous parler de L’Exécuteur, c’est parce que la bande dessinée de John Wagner et Arthur Ranson est beaucoup plus qu’un actioner décérébré dont on pourrait uniquement vanter la violence gratuite.
Thriller noir jusqu’au-boutiste exhibant sans filtre ni artifice les travers les plus sombres de l’être humain, Button Man est une série réglée comme un coucou suisse, qui a su digérer les codes de ses nombreux modèles pour, à son tour, nourrir le genre battle royale dans la fiction populaire. Ajoutant à la brutalité physique une critique sociale des sévices imposés par les plus aisés aux catégories les plus modestes, prisonnières d’un appareil qui leur fait miroiter une vie meilleure pour mieux les exploiter, les aventures de Harry Exton ouvrent des pistes de réflexion bien au-delà du premier degré d’interprétation.
Une œuvre hard-boiled riche et visionnaire, qui ne perd pas en intérêt malgré le temps qui passe, et une lecture dont vous ne pouvez que ressortir gagnant.



Les ouvrages recommandés dans cet article :
Découvrir Judge Dredd par John Wagner, aux éditions Delirium :
Batman par John Wagner chez Urban Comics :
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Merci pour cette recommandation très cher Chris !
Il y'a un petit côté XIII ou pas du tout ? Ca me fait penser un peu à ça ^^
Et le récit est censé se conclure ou la suite non traduite est indispensable ?
Encore merci, et à bientôt !