À l’occasion de l’arrivée de la série animée X-Men ‘97 sur Disney+, je reviens sur l’incroyable succès rencontré par les mutants de Marvel Comics durant les années 1990. Dans cet ultime article, on clôture le cycle avec l’un des crossovers les plus marquants pour les X-Men : Age of Apocalypse !
Comme je vous l’ai déjà raconté, la série animée X-Men : The Animated Series a eu un énorme impact sur la franchise de Marvel, allant jusqu’à influencer les comic books dont elle est tirée. Ainsi, on peut légitimement penser que, dans une mesure plus ou moins grande, elle est l’une des sources d’inspiration d’un événement éditorial emblématique de la Maison des Idées dans les 90’s : X-Men : L’Ère d’Apocalypse !
En effet, tout comme de nombreux épisodes du cartoon, ce crossover mutant se nourrit du concept de voyage temporel et des paradoxes qui en découlent. Sorte de gigantesque “What If ?” ; soit une fiction dans la fiction, partant du postulat que la modification d’un seul élément d’une histoire peut profondément en altérer tous les autres ; Age of Apocalypse va chambouler l’univers des X-Men.
Dans Legion Quest, le prologue de L’Ère d’Apocalypse, le mutant Légion, fils de Charles Xavier, a remonté le temps dans le but d’éliminer Magneto, l’ennemi juré des X-Men. Malheureusement, les choses tournent mal et c’est Xavier qui est tué en lieu et place de son adversaire de toujours. Ce funeste retournement de situation va provoquer l’apparition d’une ligne temporelle alternative, dans laquelle Magneto, reconnaissant envers Charles pour son sacrifice, va abandonner ses intentions belliqueuses pour fonder les X-Men à sa place.
Lancé par le one-shot X-Men Alpha en janvier 1995, Age of Apocalypse est un arc narratif majeur, encore incontournable pour les fans aujourd’hui.
Dans cette uchronie made in Marvel, le vilain connu sous le nom d’Apocalypse parvient à prendre le contrôle des États-Unis, y faisant régner la terreur avec l’aide de ses cavaliers et mettant en place un processus génocidaire envers les êtres humains.
Pour contrer les plans d’Apocalypse, différentes équipes de mutants s’unissent. L’occasion pour les scénaristes Scott Lobdell, Fabian Nicieza, Larry Hama, John Francis Moore, ou encore Warren Ellis, de totalement réécrire l’histoire classique des Enfants de l’Atome en faisant en sorte de créer la surprise pour le lecteur.
Appuyés par des artistes comme Andy Kubert, Joe Madureira, Roger Cruz, Steve Epting, Tony S. Daniel et Chris Bachalo, les auteurs vont revisiter les grandes familles mutantes de Marvel Comics, renommant au passage leurs séries respectives : Uncanny X-Men devient Astonishing X-Men, X-Men se transforme en Amazing X-Men, Wolverine reprend son surnom de Weapon X, Excalibur se change en X-Calibre, X-Factor est inversé en Factor X, Generation X évolue en Generation NeXt, X-Force se mue en Gambit and the X-Ternals, et X-Man prend la place de Cable.
L’un des principaux intérêts de L’Ère d’Apocalypse réside dans les interactions entre ces différents groupuscules, auxquels il faut ajouter des résistants humains et les sbires d’Apocalypse eux-mêmes. Chaque faction possède ses propres objectifs et ses propres méthodes pour arriver à ses fins, ce qui contribue à alimenter les rivalités à différentes échelles au cœur d’un conflit déjà global. Ainsi, les lecteurs et lectrices peuvent prendre parti pour certains groupes de protagonistes plutôt que pour d’autres, ce qui renforce grandement leur implication face aux enjeux du récit.
Après moult péripéties, Bishop, le voyageur temporel attitré de la licence, va jouer son rôle dans un inévitable Deus Ex Machina final et remonter le temps pour sauver la vie de Charles Xavier, tandis que le paysage dystopique façonné par En Sabah Nur se disloque, non sans avoir laissé échapper quelques personnages comme Blink ou X-Man.
X-Man, alias Nate Grey, est un cas à part dans cette saga, qui participe à une complexification artificielle des intrigues, typique de la bande dessinée américaine.
Créé durant L’Ère d’Apocalypse par Mister Sinister à partir du matériel génétique des versions alternatives de Scott Summers et de Jean Grey, il est donc par extension un demi-frère venu d’un futur hypothétique pour Cable, mais peut aussi être considéré comme un possible double de ce dernier qui, n’ayant pas été infecté par le même virus techno-organique, aurait atteint son plein potentiel mutant. Un arbre généalogique plus que foutraque, qui n’est pas arrangé par la réapparition soudaine dans ses aventures en solo de Madelyne Pryor, clone de Jean Grey de la Terre 616 dont l’historique est encore plus bordélique.
Reconnu comme l’un des mutants les plus puissants de l’univers Marvel, Nate Grey brille surtout pour être l’une des rares créations liées à Age of Apocalypse à s'être largement émancipé de son environnement de départ dans la durée. En effet, si chaque mini-série de l’event ne dépasse pas les quatre numéros, X-Man va connaître une longévité plus que remarquable, avec soixante-quinze issues publiées, jusqu’en 2001 !
De la même façon que les équipes historiques de X-Men sont remaniées, chacun des personnages subit un lifting à la sauce post-apocalyptique, un relooking qui fonctionne particulièrement bien pour Cyclope ou Sunfire, qui se voient dotés d’un look plus féroce que jamais ! Face à des héros au charisme décuplé par cette ambiance de fin du monde, tels que Weapon X, les super-vilains qui entourent Apocalypse sont réellement impitoyables et représentent une véritable menace aux yeux du lecteur. Le statut uchronique des événements présentés est l’une des grandes forces de Age of Apocalypse, car il génère une incertitude vis-à-vis des codes habituels de la franchise et laisse assez planer le doute pour que l’on puisse vraiment vibrer pour les Enfants de l’Atome, et craindre qu’ils ne parviennent pas à accomplir leur mission.
Sur le plan graphique, les artistes impliqués se démènent et offrent un crossover qui, malgré son ampleur, conserve une épatante cohérence visuelle, et compte sans aucun doute parmi les plus beaux jamais publiés par Marvel Comics. Kubert ou Bachalo sont au point culminant de la maîtrise de leur art et proposent des planches dont la composition et le découpage délivrent une dynamique pratiquement irréprochable.
Bien que la saga se termine par un désamorçage en règle avec les one-shot X-Men Omega et X-Men Prime, après lesquels les séries mutantes repartent pratiquement comme si de rien était, l’héritage de L’Ère d’Apocalypse est encore palpable aujourd’hui. D’abord considéré comme une sorte de futur alternatif n’ayant finalement jamais existé après que les choses soient rentrées dans l'ordre, le monde d’Apocalypse va être sauvé par Marvel, qui y voit incontestablement un levier supplémentaire pour capitaliser sur la nostalgie du lectorat, et devenir la Terre-295 du multivers.
Réutilisé plusieurs fois depuis, notamment dans le maxi-crossover Secret Wars de 2015, le sombre tableau futuriste de Age of Apocalypse reste très marquant pour toute une génération d’amateurs et d’amatrices de comics, et un gisement inépuisable d’intrigues reposant sur telle ou telle fluctuation du cours de l’histoire canonique.
X-Men : Age of Apocalypse est ironiquement prophétique pour Marvel Comics.
Quand la série paraît, la saturation du marché entretenue par les éditeurs a fait éclater la bulle spéculative du début des années 1990, les tentatives d’adaptations des différentes licences de la firme au cinéma sont des échecs critiques et commerciaux, et l’image de la Maison des Idées est de plus en plus émoussée, aussi bien pour les investisseurs que pour le grand public. À deux doigts d’être définitivement kitsch et has-been, le groupe, alors sur le chemin de la faillite, fait face à un avenir pour le moins incertain. Si le salut viendra en partie du rachat de Marvel par Toy Biz, des décisions du producteur Avi Arad, et d’un premier succès dans les salles obscures grâce à Blade avec Wesley Snipes ; la saga de L’Ère d’Apocalypse est aussi un marqueur temporel fort de cette période troublée, dernier baroud d’honneur symbolisant la fin d’une époque pour les fans de comics.
C’est d’autant plus vrai que ce crossover mélange à la fois les ingrédients typiques des comic books de la première moitié de la décennie 90, avec ses anti-héros sombres et bad-ass aux dégaines improbables, et un ton plus mature et critique qui, s’il était déjà propre aux X-Men de Chris Claremont, va avoir tendance à se diffuser largement dans la bande dessinée de super-héros à l’aube du XXIe siècle.
De ce point de vue, Age of Apocalypse est, pour moi, l’une des passerelles les plus évidentes entre ces deux époques, concluant le fastueux et décérébré Extreme Age et ouvrant la voie à des publications plus conscientes et ancrées dans une réalité très cynique, comme The Authority chez WildStorm.
Un classique intemporel et indissociable de la franchise X-Men, qui s’impose comme une référence de son temps que l’on prend encore plaisir à découvrir ou à redécouvrir, et un authentique bac à sable pour les créateurs actuels chez Marvel.
Tous mes articles sur les mutants de Marvel Comics sont ici !
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J’ai déjà entendu parler de cette saga. J’ai déjà feuilleté quelques numéros dans le désordre dans une médiathèque. Je sais que ça a l’air que qualitatif, il n’y a qu’a voir certains design des personnages comme Rogue,Nightcrawler ou encore Weapon X(Wolverine) qui sont l’un de mes préférés. Mais c’est l’histoire qui m’a toujours paru un peu trop étirée pour son bien. Donc je pense au moins le lire un jour. L’acheté je ne crois pas vu que l’omnibus me paraît un trop cher pour ce qu’il est.