Les Transformers comptent parmi les figures incontournables de la Pop Culture.
Et si l’évocation des robots transformables de Hasbro vous fait penser à des jouets, à des films, ou à des dessins animés, il ne faut pas oublier l’importance capitale qu’a pu jouer l'industrie du comic book dans le développement de cette licence phare. Aujourd’hui, on revient sur le retour fracassant des Transformers par Daniel Warren Johnson !
Dans les années 1980, sous l’impulsion du président Ronald Reagan, la télévision américaine connaît un important relâchement quant aux règles de régulation des programmes pour enfants. S'engouffrant dans la brèche, les fabricants de jouets étasuniens misent sur des séries d'animations coproduites avec des studios japonais pour vendre des figurines créées selon des études marketings plus ou moins abracadabrantes quant aux attentes des enfants. C'est ainsi que des licences telles que Les Maîtres de l'Univers, les Bisounours, M.A.S.K., les Cosmocats, ou encore Mon Petit Poney, pour ne citer que les plus célèbres, vont voir le jour et connaître un succès plus que considérable auprès des plus jeunes.
Dans cette ébullition créative aux motivations mercantiles, la société américaine Hasbro part chercher l'inspiration au Japon, et ramène avec elle deux licences appartenant au fabricant de jouets Takara : Microman et Diaclone.
L’entreprise réalise une sélection parmi les figurines des deux gammes et garde en priorité les plus faciles à vendre sur le marché occidental. Chez Microman ; lui-même inspiré de G.I. Joe, créé par Hasbro en 1963 ; on trouve les robots qui deviendront Bumblebee et Soundwave, tandis que dans la gamme Diaclone, on retrouve le plus célèbre des Autobots : Optimus Prime !
C'est bien beau d'avoir plein de robots transformables à vendre, mais il faut maintenant leur trouver un nom, une histoire, un background, bref, une bonne raison d'exister et d'envahir la chambre de nos chères têtes blondes !
Hasbro se met en quête d'un moyen de faire la promotion de ses nouveaux jouets et se tourne alors vers deux figures de la bande dessinée américaine : Jim Shooter, à l'époque éditeur en chef chez Marvel Comics, et Dennis O'Neil, scénariste connu pour son travail chez DC Comics et œuvrant à l'époque pour la Maison des Idées sur Iron Man et Daredevil. Les deux hommes ont pour mission de créer un univers pour cette nouvelle licence, sans perdre de vue l'objectif de Hasbro : vendre des jouets !
Shooter imaginera l'idée des deux camps rivaux : les Autobots et des Decepticons. O'Neil, lui, trouve le nom du leader des Autobots : Optimus Prime.
Mais son travail ne plaît pas à Hasbro et, chez Marvel, les auteurs sont peu inspirés par ces figurines futuristes venues du Japon. Jim Shooter charge alors Bob Budiansky, jeune éditeur ayant déjà travaillé sur Ghost Rider pour Marvel, de plancher sur le sujet. En moins d'un week-end, Budiansky va littéralement créer la majorité des Transformers, en les nommant et en décrivant les pouvoirs et les traits de caractère de chacun. Les grandes lignes étaient posées et à partir de là, Marvel Comics allait jouer un rôle capital dans le développement de la licence Transformers.
En septembre 1984, la série animée Transformers, coproduite par Marvel et Sunbow, et réalisée par Toei Animation, est diffusée pour la première fois aux États-Unis. Totalisant quatre saisons pour quatre-vingt-dix-huit épisodes, elle est accompagnée par un long-métrage sorti au cinéma en 1986, et va grandement contribuer aux ventes de figurines.
La diffusion de la série est elle-même appuyée par un comic book publié par Marvel dès l’été 1984, prévu comme une mini-série en quatre numéros. Mais le succès rencontré est tel que l'éditeur va prolonger la publication avec un cinquième numéro, à partir duquel Bob Budiansky deviendra le scénariste attitré. La même année, Takara abandonne ses licences Diaclone et Microman au profit de l'appellation Transformers. Une uniformisation qui renforcera l'aura des robots transformables partout sur la planète.
La série Marvel Comics dédiée aux Transformers va connaître quatre-vingts numéros jusqu'en 1991, et le dernier fera d'ailleurs un clin d'œil au succès de la publication, affichant un bandeau le vantant comme le quatre-vingtième épisode d'une série limitée de quatre numéros. Elle a la particularité d'alimenter de plusieurs manières la mythologie des Transformers : d’une part, en utilisant les bases posées par Budiansky, et devenues canoniques, et d’autre part, en servant de laboratoire et en développant le lore des robots transformables, tout en conservant son rôle de support promotionnel pour la licence.
Dès le départ, Hasbro et Marvel comprennent l'intérêt de mettre leurs forces en commun pour assurer le succès de la marque. Ainsi, le temps d’un épisode, les Transformers vont rencontrer Spider-Man, la star de la Maison des Idées, dans le troisième numéro de la série. On pourra aussi découvrir un crossover entre les Transformers et les héros de G.I. Joe, autre ligne star de Hasbro transposée en bande dessinée par Marvel sous la plume de Larry Hama.
Il faut aussi mentionner l'existence d'une particularité britannique à la saga des Transformers en comics. Tandis que la série Marvel écrite par Bob Budiansky était publiée aux États-Unis et reprise dans de nombreux pays ; dont la France, le temps de trois numéros chez Sagédition ; l'Angleterre connaît une série à part entière, majoritairement écrite par Simon Furman, qui a notamment travaillé sur les comics Doctor Who. Publiée par Marvel UK, studio anglais produisant à la fois du matériel pour le marché international et spécifique au Royaume-Uni, la série explore des pistes inédites bien plus techniques et profondes que sa cousine d'Amérique, tournant parfois à la quasi-mythologie. Paraissant à un rythme bimensuel, soit deux numéros par mois, et avec un contenu alternant entre la série américaine et les créations originales de Furman, elle prendra fin en 1992 avec son trois-cent-vingt-troisième épisode.
Le rôle de Budiansky et de Furman dans l’enrichissement de l'univers des Transformers fut essentiel, à un point que ceux-ci seront impliqués dans les séries suivantes, produites d'abord chez Dreamwave en 2002, puis chez IDW Publishing à partir de 2006.
En pratiquement deux décennies, ces comics vont largement participer au développement d’un univers étendu, mais aussi intégrer les Transformers à un univers partagé, dans lequel ils vont croiser la route d’autres personnages, majoritairement issus du même courant de divertissement misant sur la nostalgie des licences fortes des années 80 : G.I. Joe, Rom the Spaceknight, Retour vers le Futur, Ghostbusters, Terminator, ou encore My Little Pony.
En France, vous pouvez retrouver la série originale de Marvel et les publications plus récentes de IDW chez Vestron. Si vous êtes fans des Transformers, ça me semble assez indispensable d’y jeter un œil, car ces comics vieillissent plutôt bien !
En 2023, les droits atterrissent chez Skybound Entertainment, le label co-fondé par Robert Kirkman, scénariste de The Walking Dead et Invincible, et c’est l’artiste Daniel Warren Johnson qui prend les commandes d’un tout nouveau comic book Transformers.
Les Transformers sont des machines douées de conscience, originaires de la planète Cybertron, et qui possèdent l'incroyable capacité de se transformer en différents véhicules, objets, ou même animaux ! À cause de la soif de pouvoir de certains d’entre eux, une guerre civile éclate pour le contrôle de Cybertron et deux camps se forment : les Autobots, menés par Optimus Prime et les Decepticons, dirigés par Megatron. Le conflit est si terrible qu'il va s’étendre à travers la galaxie et pratiquement conduire à la destruction totale de la planète. Un petit groupe constitué de survivants issus des deux camps va s'écraser sur Terre et entrer dans une phase de sommeil qui va durer plusieurs siècles. À leur réveil, la bataille reprend de plus belle !
Si ce pitch de base connaît plusieurs variations en fonction des relectures et des adaptations, il sert de point de départ à la nouvelle série de Skybound, dans laquelle les Autobots et les Decepticons, endormis depuis des temps reculés au creux d'un canyon, sortent subitement de leur torpeur, et reprennent leur guerre impitoyable de nos jours, en plein milieu d'une petite bourgade américaine !
Le maestro Daniel Warren Johnson ; déjà reconnu pour Wonder Woman : Dead Earth, Beta Ray Bill, ou Do a Powerbomb ! ; livre sa version revue et corrigée des Transformers, et le résultat est vraiment de qualité !
Le ton est très mature, les enjeux sont palpables, et les héros, qu’ils soient de chair ou de métal, vivent tous des situations dramatiques. On comprend rapidement que la série ne vise pas que le public d'adultes nostalgiques qui a grandi avec les robots transformables de Hasbro, en mettant en place tout un tas d'éléments qui participent à construire une intrigue solide et accessible à la fois. C'est étonnamment graphique par moment, et on retrouve surtout dans l’écriture de Johnson le discours déjà présent chez Budiansky et Furman.
Car, si l’on peut tout à faire prendre les Transformers pour ce qu’ils sont, c'est-à-dire des véhicules qui se transforment en robots pour mieux se foutre sur la gueule, se contenter de cette lecture au premier degré serait une terrible erreur.
Certes, Transformers est un dessin animé pensé pour vendre des jouets aux gamins, mais c’est aussi l’histoire de deux factions dont les individus, issus d’un même peuple et semblables en tous points, se livrent une guerre qui va mener à la destruction de leur planète natale. Et alors même que leur espèce est sur le point de s'éteindre, ils n’hésitent pas à utiliser leurs dernières ressources pour s'entretuer plutôt que de réfléchir à une solution pour vivre ensemble. Une illustration pour le moins parlante de la façon dont un conflit peut mettre en danger l'avenir de tous les belligérants, quelle que soit son issue ; et un message universel, qui devrait pouvoir être compris par les enfants et appliqué par les adultes.
Malgré l’approche très sérieuse de cette série Transformers labellisée Skybound, on sent que Daniel Warren Johnson s'amuse beaucoup avec ses nouveaux jouets, dont il est un grand fan depuis l'enfance, comme il le dit lui-même dans la postface de l’édition proposée par Urban Comics chez nous. Il signe ici une vraie réussite qui, je l'espère, saura convaincre un nouveau public, au-delà de l'aspect mercantile des Transformers. Sans conteste l'un des meilleurs comics à découvrir en version française cette année !
Pour rappel, cette série rejoint également un tout nouvel univers partagé imaginé par Robert Kirkman, l’Energon Universe, initié par sa série originale Void Rivals.
Un comic book de science-fiction dans lequel Darak et Solila, deux pilotes appartenant à des factions rivales empêtrées dans une guerre ancestrale, se retrouvent à devoir coopérer pour survivre après s’être écrasés sur un planétoïde à l’environnement hostile. Uni par la force des choses, ce duo que tout oppose va bientôt découvrir une improbable vérité sur la guerre qui déchire leurs peuples...
Soyons francs, l'univers proposé par Kirkman dans Void Rivals n'est pas foncièrement surprenant ou original, et le trait du dessinateur Lorenzo De Felici correspond plutôt aux standards actuels de la bande dessinée américaine, sans fulgurance particulière. Cependant, la mayonnaise prend grâce à un sens du rythme impeccable et à des protagonistes très attachants, et c’est une lecture très agréable en l'état, même si la suite devra faire ses preuves en sortant des sentiers battus pour me convaincre pleinement. Le premier tome de Void Rivals, qui explique ce qui a provoqué le réveil des Transformers, est disponible en français chez Urban Comics !
Pour finir, Transformers est une licence que j’apprécie beaucoup pour plein de raisons. Premièrement, parce que, comme pour beaucoup d’entre vous, elle a bercé mon enfance et indéniablement nourri l’imagination du petit garçon que j’étais, en l’exposant à des créatures fantastiques aux mécanismes souvent ingénieux.
Et deuxièmement, parce que, comme je l’expliquais, elle est loin d’être bête et vide de sens. Je me garderai bien d’intellectualiser à outrance les Transformers, mais derrière cette bagarre impliquant voitures de course, tanks et avions de chasse, il y a quand même quelques sujets très actuels, comme la difficulté pour des gens différents les uns des autres à cohabiter sur une même planète, et la nécessité d’y parvenir avant qu’il ne soit trop tard.
Fruit d’une logique économique d’un autre temps et d’un véritable entrelacement de culture populaire, les Transformers ont fait leur petit bonhomme de chemin. Les enfants livrés à des publicitaires sans vergogne sont aujourd’hui des adultes nostalgiques qui ont de l’argent à dépenser ; et laisser Daniel Warren Johnson prendre le volant pour conduire nos robots préférés vers de nouveaux horizons n’est assurément pas une mauvaise idée.
Les comics recommandés dans cet article :
Découvrir les Transformers de Daniel Warren Johnson et l’Energon Universe :
Transformers - Daniel Warren Johnson - Skybound Entertainment / Urban Comics
Void Rivals - Robert Kirkman et Lorenzo De Felici - Skybound Entertainment / Urban Comics
Les comics Transformers chez Vestron :
Les autres travaux de Daniel Warren Johnson :
Wonder Woman : Dead Earth - Daniel Warren Johnson - DC Comics / Urban Comics
Jurassic League - Daniel Warren Johnson et Juan Gedeon - DC Comics / Urban Comics
Do a Powerbomb ! - Daniel Warren Johnson - Image Comics / Urban Comics
Murder Falcon - Daniel Warren Johnson - Image Comics / Delcourt
Beta Ray Bill : Étoile d’Argent - Daniel Warren Johnson - Marvel Comics / Panini Comics
Retrouvez le podcast POP CULTURE & COMICS sur toutes les plateformes d’écoute !
N’hésitez pas à partager cet article sur les réseaux sociaux s’il vous a plu !
Recevez mes articles, podcasts et vidéos directement dans votre boîte mail, sans intermédiaire ni publicité, en vous abonnant gratuitement !
Partagez ce post