CHRIS - POP CULTURE & COMICS
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MAXIMUM CARNAGE : MINIMUM SPIDER-MAN
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MAXIMUM CARNAGE : MINIMUM SPIDER-MAN

Extreme Age Arachnéen chez Marvel Comics !

Aux côtés de Batman et Superman, Spider-Man est sûrement l'un des super-héros les plus populaires de tous les temps, et sans doute le personnage de comics préféré d’une bonne partie d’entre vous. Mais, pour être une icône de la Pop Culture, et surtout pour le rester à travers les époques, il faut sans cesse se renouveler et conquérir un nouveau public.
Aujourd’hui, on revient sur le crossover Maximum Carnage, ou comment l’Homme-Araignée a été utilisé à tort et à travers par Marvel Comics durant les années 1990 !

Se pencher sur le cas de Maximum Carnage, c’est avant tout explorer une période très particulière pour la bande dessinée américaine.
Cette saga en quatorze parties débute dans le premier numéro de Spider-Man Unlimited, au printemps 1993, et est ensuite répartie entre les différents périodiques de Marvel Comics consacrés au Tisseur : Spider-Man, The Amazing Spider-Man, The Spectacular Spider-Man et Web of Spider-Man. Une profusion de titres qui atteste de l’indiscutable popularité de l’Homme-Araignée, mais qui est aussi révélatrice d’une fuite en avant incontrôlée et d’une inévitable débandade.


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En effet, à cette époque, la Maison des Idées est toujours assise sur une mine d’or, mais sans personne pour creuser à l’intérieur. Après les succès retentissants de X-Men #1 par Chris Claremont et Jim Lee, reconnu comme le comic book le plus vendu de tous les temps ; de la série Spider-Man confiée à Todd McFarlane ; ou du X-Force de Fabian Nicieza et Rob Liefeld, incarnation d’un genre super-héroïque pleinement décomplexé ; l’éditeur voit ses poulains les plus prometteurs prendre les voiles et fonder une nouvelle société qui deviendra rapidement un concurrent de poids : Image Comics. La déconvenue est d’autant plus rude pour Marvel que les nouvelles séries lancées par ces auteurs renégats, telles que Youngblood, Spawn, WildC.A.T.s ou CyberForce, obtiennent des chiffres de vente qui dépassent toutes les attentes.
Marvel Comics va devoir réagir vite et bien pour redresser la barre et ne pas être dépassé par un outsider à peine sorti de l’œuf. Et puisqu’il n’y a pas de raison que ce qui marche très bien chez les autres ne marche pas chez lui, l’éditeur historique de justiciers costumés comme Iron Man et Captain America va miser sur la tendance du moment : les anti-héros.

Ce virage est notamment acté par la réhabilitation de l’un des antagonistes les plus menaçants de l’Araignée : Venom, qui passe du statut de super-vilain à celui d’anti-héros dispensant une justice expéditive. Apparu pour la première fois en 1988 dans la série The Amazing Spider-Man, sous la plume de David Michelinie et le crayon de Todd McFarlane, Venom est le fruit de la rencontre entre le costume noir symbiotique extra-terrestre que Spider-Man a rapporté de son passage sur Battleworld durant Secret Wars et d’un rival de Peter Parker : Eddie Brock.
À la toute fin de l’année 1992, Venom obtient sa propre mini-série en six numéros, avec la saga Lethal Protector. Elle sera suivie par plusieurs autres séries limitées, dont The Enemy Within, Nights of Vengeance et Separation Anxiety. Même s’il existe une continuité entre ces différents récits, ils se présentent comme des arcs indépendants comptant généralement entre trois et cinq épisodes. Une recette qui sera fréquemment appliquée au personnage, jusqu’à aujourd’hui, de Venomverse à King in Black, en passant par Venomized.

À force de traîner son symbiote gluant un peu partout, notre bon vieux Eddie va finir par engendrer une progéniture peu fréquentable. Outre Scream, Phage, Riot, Lasher, Agony, ou plus tard l’Anti-Venom ; le plus célèbre rejeton de Venom est sans conteste Carnage, qui a commis ses premiers méfaits dans le trois-cent-soixante-et-unième numéro de The Amazing Spider-Man, en 1992.
Ancien compagnon de cellule de Brock, Cletus Kasady est un tueur en série sadique particulièrement cruel. Le genre d’individu qui ne répond à aucune règle de la morale et n’éprouve jamais ni pitié, ni compassion pour ses victimes. Une évolution logique car, de toute évidence, si Venom endosse le rôle de redresseur de torts, il faut bien lui trouver un remplaçant encore plus dangereux. Et avec Kasady, on a un profil de vrai méchant, personnification du mal absolu, auquel les lecteurs et les lectrices ne pourront que très difficilement trouver des excuses ou s’identifier.

Maximum Carnage commence quand Cletus Kasady s’évade de l'Institut Ravencroft, une prison de haute sécurité réservée aux super-vilains. Il est rejoint dans sa cavale par Shriek, une mystérieuse femme capable de manipuler les individu en utilisant le son, et par le Spider-Dopplegänger, le double maléfique à six bras de Spider-Man apparu lors de la saga Infinity War. Attaqué par les sbires de Carnage, Spider-Man va pouvoir compter sur l’aide de La Cape et L’Épée ; tandis que Venom, apprenant le retour de son enfant illégitime, décide de se rendre à New York pour prendre les choses en main.

Peter Parker doit se résoudre à faire équipe avec Eddie Brock s’il veut avoir une chance d’arrêter Kasady, qui continue de renforcer ses rangs en recrutant d’autres criminels comme le Demogoblin, ou Bouffon Noir en version française, et Carrion, doté d’un toucher mortel. Face à ce gang de dégénérés décidés à appliquer la philosophie nihiliste de Carnage, Spider-Man va pouvoir compter sur l’aide de nombreux alliés dont Black Cat, Iron Fist, Firestar, Deathlok, Captain America, Morbius, et même Nightwatch, une création récente de la Maison des Idées dont toute ressemblance avec Spawn serait absolument fortuite.
Vous vous en doutez sûrement si vous êtes adepte des comics de super-héros, ce casting chamarré, qui regroupe autant de vedettes du Neuvième Art que de seconds rôles obscurs, ne présage pas que le meilleur pour Maximum Carnage.

Sans être une catastrophe, le crossover se résume majoritairement à une succession de bagarres où les gentils et les méchants prennent le dessus à tour de rôle.
L’intrigue, signée David Michelinie, Terry Kavanagh et J. M. Dematteis, et supervisée par Tom DeFalco, ressemble surtout à un défilé de protagonistes qui sentent très fort les années 1990, Venom et Carnage en tête. Les alliés de Spider-Man forment une troupe dépareillée et, même si chacun y représente un niveau différent de l’idéologie à appliquer pour face à la violence de Cletus Kasady, la mayonnaise ne prend jamais vraiment.
La partie graphique, elle, alterne entre le très bon et l’acceptable, avec des dessinateurs comme Mark Bagley, Ron Lim, Tom Lyle, Alex Saviuk et Sal Buscema. Le principal intérêt étant de voir Carnage en action, ses super-pouvoirs se révélant en adéquation avec le sensationnalisme attendu de tels affrontements.
Pour le reste, Maximum Carnage est une saga qui s’égare parfois à la recherche d’une profondeur à laquelle elle ne peut prétendre. Certes, le trio formé par Spider-Man, Venom et Carnage est la représentation évidente d’un spectre moral allant du super-héros classique et solaire à son opposé le plus radical, brutal et sans aucune nuance dans ses motivations.

Mais s’il est devenu habituel de questionner la possibilité pour un personnage comme Batman de franchir la ligne rouge qu’il a lui-même tracée, cette thématique fonctionne beaucoup moins bien dans le cas de Peter Parker.
L’Homme-Araignée est même pratiquement au second plan dans cette histoire, se faisant voler la vedette par un super-vilain hyper-charismatique et un anti-héros déterminé, avec qui son alliance improbable ne peut définitivement pas durer.
Évidemment, voir Spider-Man fidèle à ses valeurs, refusant de renier ses principes, renforce son statut de super-héros pilier de l’univers Marvel. Mais à aucun moment vous ne serez vraiment surpris à la lecture de Maximum Carnage et sa découverte s’avère même assez laborieuse de nos jours, parce que chaque élément y a une place prédéfinie et la garde scrupuleusement jusqu’à la fin.

Ça, c’est aussi dû au fait que Maximum Carnage est incontestablement un comic book de son temps. Premièrement, parce qu’il s’agit d’un crossover d’envergure monstrueuse, comme en attestent ses quatorze parties et sa répartition chaotique entre plusieurs magazines. Et deuxièmement, car il semble ne s’imposer aucune limite, comme il en était d’usage durant l’Extreme Age de la bande dessinée américaine.
Pour mieux comprendre, il faut revenir en détail sur les différents cycles qu’a pu connaître l’industrie des comics.
L’Extreme Age succède au Dark Age, période initiée au milieu des années 1980 par des œuvres comme The Dark Knight Returns de Frank Miller ou Watchmen d’Alan Moore et Dave Gibbons, durant lequel la majorité de la production super-héroïque va prendre un tournant plus sombre et plus mature, mettant en avant des justiciers violents et des thématiques beaucoup plus adultes.
À l’instar de l’Atomic Age, parfois défini comme la courte période séparant le Golden Age du Silver Age, L’Extreme Age peut être considéré comme un segment Dark Age, lui-même souvent assimilé à ce que l’on nomme plus globalement le Modern Age. Ce Modern Age qui, avec le recul, est parfois renommé Chromium Age ou Copper Age pour sa partie s’étalant jusqu'au tout début des années 2000. J’espère que vous suivez toujours.

Quoi qu’il en soit, cet intervalle de l’Extreme Age découle directement des records battus par Marvel Comics au début des années 1990, dans un contexte de bulle spéculative qui encourageait les éditeurs à démultiplier les variant covers et les numéros un pour engranger toujours plus d’argent. Un engrenage qui a poussé les auteurs et les artistes à la surenchère, au détriment de la qualité de ce qui pouvait être proposé au lectorat.
Ainsi, là où La Dernière Chasse de Kraven, récit de J. M. Dematteis et Mike Zeck paru en 1987, est une admirable tentative de transposer Peter Parker dans l’ère du Dark Age, Maximum Carnage est l’expression de tous les excès de l’Extreme Age appliqués à l’univers de Spider-Man.

Si je vous ai parlé de ce crossover, c’est donc parce qu’il est publié dans une atmosphère unique en son genre, mélange d’euphorie capitaliste et de démarche jusqu’au-boutiste pour faire les poches d’un public friand de bande dessinée.
D’ailleurs, l'année 1993 est également gravée dans la mémoire des fans de comic books pour avoir été marquée par le destin tragique d’un autre super-héros : Superman, qui meurt des mains du terrible Doomsday, dans le soixante-quinzième numéro de sa propre série. Un événement éditorial artificiel, qui sonne comme l’aveu d’une panne d’inspiration pour relancer la machine de la part de DC Comics, et d’autant plus symbolique que le numéro qui voit passer l’Homme d’Acier de vie à trépas est talonné de près dans le top des ventes par la toute nouvelle équipe de super-héros de Jim Lee et Brandon Choi chez Image Comics : WildC.A.T.s.
C’est la fin d’une époque : les icônes d’hier sont enterrées pour laisser la place à une nouvelle génération. Mais, heureusement, je ne vous l’apprends pas, rien n’est jamais vraiment terminé au pays des super-héros.

Alors fallait-il vraiment quatorze numéros pour raconter l’histoire de Maximum Carnage ? Assurément, non. Était-il nécessaire d’y impliquer une quinzaine de personnages de Marvel Comics ? J’en doute fortement. Comment mettre au goût du jour un héros qui a déjà trente ans d’aventures au compteur et alors que le ton de celles-ci est à contre-courant des tendances ? En tentant des choses, comme le fait Maximum Carnage, quitte à ce que le résultat ne fasse plus rêver les foules trois décennies plus tard. Cette saga de Spider-Man n’est ni plus ni moins que le reflet de la façon dont les univers de fiction doivent se renouveler pour continuer à exister : Peter cherche à rester le héros de sa propre histoire, Mary Jane fume des clopes, et Venom peut prétendre à devenir le nouveau modèle des gamins qui grandissent devant MTV.

Au-delà de la question de savoir si une œuvre est bonne ou mauvaise, et selon quels critères, il me semble plus pertinent de la remettre dans son contexte pour mieux comprendre ce qu’elle dit de son temps. Et c’est sous ce jour, à mon humble avis, qu’il faut redécouvrir des comics comme celui-ci.
En 1994, Maximum Carnage inspire un beat’em all sur Super Nintendo et Sega Megadrive, et la diffusion d’une toute nouvelle série animée Spider-Man déclenche une véritable Spider-Mania, dans laquelle je vais plonger la tête la première.
Tant d’années après, malgré des hauts et des bas, Spider-Man est toujours là, Venom et Carnage aussi, et chacun d’eux est toujours à sa place. Une immuable formule qui traverse les modes et les courants, tout en continuant à nourrir l’imaginaire de plusieurs générations.


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