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SPIDER-GIRL ET MARVEL COMICS 2 : LA DRÔLE D'HISTOIRE DE LA FILLE DE SPIDER-MAN
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SPIDER-GIRL ET MARVEL COMICS 2 : LA DRÔLE D'HISTOIRE DE LA FILLE DE SPIDER-MAN

L'Univers Ultimate avant l'heure ?
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“Et si les choses s’étaient passées différemment ?”, voilà une question que les amateurs et les amatrices de comic books adorent se poser. Si vous aimez les théories plus ou moins éclatées autour de nos super-héros préférés, le sujet d’aujourd’hui est pour vous, car il va être question de What If…?, de Spider-Girl et de l’initiative Marvel Comics 2 !

Et si Peter Parker avait eu une fille ? Voilà le sujet du cent-cinquième numéro de What If…? paru à la toute fin de l’année 1997. What If…?, c’est une publication anthologique de Marvel Comics lancée en 1977, qui imagine des versions alternatives de la continuité de l’univers Marvel. Uatu le Gardien y joue le rôle de narrateur, présentant aux lecteurs et aux lectrices des réalités différentes, dans lesquelles le destin des grandes figures de la Maison des Idées est totalement chamboulé. Le premier numéro nous propose par exemple de découvrir ce qu’il serait advenu si Spider-Man avait rejoint les Fantastic Four. Par la suite, différents concepts, basés sur les grands événements qui ont façonné la Terre-616 seront revus et corrigés à la sauce What If…? : Captain America et Bucky survivant à la Seconde Guerre mondiale, Conan le Barbare arpentant notre monde moderne, ou encore Jean Grey et Elektra échappant à leur funeste sort. Certaines pistes lancées dans What If…? finiront même par devenir bien réelles plusieurs décennies plus tard, comme quand Jane Foster obtiendra les pouvoirs de Thor sous la plume de Jason Aaron, comme l’avaient déjà raconté Don Glut et John Buscema dans le dixième numéro du périodique.
La série s’arrête en 1984 après quarante-sept épisodes, mais elle revient dès 1989, se nourrissant une nouvelle fois des grandes sagas de Marvel Comics, de Secret Wars à La Mort de Captain Marvel, en passant par Le Gant de L’Infini. Évidemment, la nature même de ce format basé sur des suppositions à la limite de la fan-fiction implique qu’il y a à boire et à manger au sommaire de What If…?. Si certaines histoires sont très bonnes et n’ont pas perdu de leur intérêt avec le temps, d’autres s’avèrent, au mieux, de sympathiques divertissements rapidement oubliables.
What If…? n’en demeure pas moins une véritable usine à théorie au ton parfois étrangement pessimiste, terreau fertile de nombreux autres récits, plus ou moins canoniques.


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En tant que figure de proue de l’éditeur, Spider-Man tient évidemment une bonne place au sein des histoires racontées dans What If…? par les équipes créatives de Marvel Comics. Gwen Stacy sauvée in extremis par le Tisseur, Kraven le Chasseur usurpant l’identité de l’Homme-Araignée après l’avoir éliminé pour de bon, ou son mariage avec Mary-Jane, sont autant de moments marquants pour Peter Parker qui seront réinventés dans les pages du mensuel. C’est notamment le cas de What If…? #105, dont je parlais un peu plus tôt, qui met en scène la fille que notre héros : May Parker. Pour mieux comprendre les origines de ce personnage, il faut revenir quelques années en arrière, en pleine Saga du Clone, l’un des grands moments de l’histoire éditoriale de Spider-Man. Dans le numéro #418 de The Amazing Spider-Man, paru en 1996, Mary-Jane Watson-Parker, victime d’un empoisonnement, accouche prématurément d’une enfant mort-née. Mais on découvre aussitôt que tout ceci est arrivé à cause de Norman Osborn, alias le Bouffon Vert, et que l’ennemi juré de Spider-Man a fait en sorte de récupérer le corps du bébé, dont on peut maintenant douter du véritable sort. Au fil des années, quelques allusions seront faites à l’enfant disparu de Peter et Mary-Jane, sans jamais que le voile ne soit vraiment totalement levé, jusqu’à ce que la saga One More Day ne vienne effacer une bonne partie de la vie de Spider-Man et ce bébé par la même occasion, mais c’est une autre histoire.
Vous le savez, dans la bande dessinée américaine de super-héros, rien de se perd, et l’incertitude quant à l’hypothétique survie de la fille de Spider-Man va évidemment faire les affaires de Marvel Comics, et plus particulièrement de Tom DeFalco, éditeur et scénariste bien connu des amateurs et des amatrices de l’Araignée, qui va imaginer une réalité alternative dans laquelle May Parker a survécu et est désormais une adolescente.

Dans ce fameux What If…? #105, dessiné par Ron Frenz, on fait la connaissance de May, jeune fille de quinze ans et capitaine de l’équipe de basket-ball de son lycée, qui ignore tout du passé de super-héros de son père. Il faut dire que Spider-Man a perdu une jambe lors de son ultime affrontement avec le Bouffon Vert quelques années auparavant, ce qui lui a fait prendre conscience qu’être auprès de sa famille était plus important que de jouer les justiciers. Seulement, même s’il a définitivement raccroché son costume pour rejoindre la police scientifique, Peter ne peut ignorer que May semble développer des dons hors du commun depuis quelque temps, sans doute hérités de la morsure qui l’a lui-même transformé en surhomme. Mais ce n’est pas le plus gros problème du Monte-en-L’Air : un nouveau Green Goblin est en ville et il est déterminé à éliminer Peter Parker, dont il connaît le secret !
Tandis que May commence à appréhender ses nouveaux pouvoirs d’araignée, son père tente d’obtenir l’aide des Fantastic Five ou des Avengers, mais il fait face à une nouvelle génération de héros et d’héroïnes, qu’il estime bien trop jeunes pour les mettre en danger dans un combat à mort face au Bouffon Vert. Peter accepte de rencontrer son mystérieux adversaire dans ce qui pourrait être un rendez-vous avec la mort, et alors que la situation est plus que mal engagée pour lui, May fait son apparition, vêtue d’un costume similaire à celui porté pendant un temps par Ben Reilly lorsqu’il était Spider-Man. Spider-Girl parvient à défaire celui qui menaçait sa famille et qui se révèle finalement être Normie Osborn, le petit-fils de Norman ! Une nouvelle super-héroïne est née !

En plus d’introduire une toute nouvelle protagoniste, immédiatement attachante, ce one-shot lui offre un background extrêmement riche et détaillé, faisant état de la situation actuelle de Peter et Mary-Jane, de celle de la famille Osborn, mais aussi de la mort de Daredevil, ou encore de la composition des différentes équipes de super-héros en action dans ce futur proche. Tom DeFalco plante là le décor d’un tout nouvel univers qu’il serait dommage de ne pas exploiter, d’autant plus que May Parker est plébiscitée par le lectorat. Marvel Comics reçoit de nombreux courriers saluant la création de Frenz et DeFalco, et l’éditeur Bob Harras voit comme une évidence le lancement d’une série régulière Spider-Girl.
À la fin de l’été 1998, What If…? #105 est réédité en tant que Spider-Girl #0, inaugurant ainsi le label Marvel Comics 2, ou MC2 pour les intimes, dont les événements se déroulent sur la Terre-982 ; un monde similaire à celui de la Terre-616, mais où les super-héros seraient apparus une quinzaine d’années plus tôt. À ce léger décalage s'ajoutent divers points de déviations spécifiques au monde de MC2, comme la mort de Captain America, tué par Loki ; ou Wild Thing, la fille née de l’union entre Elektra et Wolverine. On découvrira aussi que sur la Terre-982, May a bien été enlevée par Norman Osborn a sa naissance, mais qu’elle a été secourue par Kaine, un autre clone de Peter Parker, qui l’a rendue à ses parents.
Le but de Marvel Comics 2 est avant tout d’offrir un rafraîchissement à la galerie de héros et d’héroïnes de la Maison des Idées, tout en proposant des titres accessibles sans prérequis à de jeunes lecteurs et lectrices qui n’ont ni le temps ni les moyens de rattraper plusieurs décennies de continuité.

Aux côtés de Spider-Girl, on retrouve deux autres séries lancées simultanément : J2, qui propose de suivre les aventures de Zane Yama, le fils du Fléau ; et A-Next, une toute nouvelle formation d’Avengers dans laquelle on retrouve Jubilee, Speedball ou encore Stinger, alias Cassandra Lang, la fille du deuxième Ant-Man.
Des publications qui vont connaître douze numéros avant d’être supplantées par deux nouveaux titres : un premier consacré à Wild Thing, et un second aux Fantastic Five, équipe menée par Johnny Storm et sa femme Lyja, accompagnés de Franklin Richards, et d’un Ben Grimm et d’un Reed Richards sérieusement amochés. Sue Storm, elle, demeure mystérieusement absente, et il faudra attendre le quatrième numéro pour découvrir quel drame a frappé de plein fouet les Fantastiques. D’autres personnages secondaires, comme le mystérieux DarkDevil, ou The Buzz, qui n’est autre que le petit-fils de J. Jonah Jameson, auront également droit à leur propre mini-série en trois épisodes en l’an 2000.
Mais le succès n’est clairement pas au rendez-vous pour Marvel Comics 2, et tous les comic books liés à ce label disparaissent aussi vite qu’ils sont apparus, à l’exception de Spider-Girl, dont la première série va durer jusqu’à un symbolique centième numéro.
Il faut dire que Tom DeFalco croit dur comme fer à son héroïne, faisant le maximum pour que la série perdure malgré des performances inégales, comptant principalement sur un noyau dur de fans convaincus.

En se replongeant dans Spider-Girl grâce à la première intégrale sortie en version française chez Panini Comics, on se rend compte que la série est à la fois pleine de bonnes idées et de contradictions difficiles à dépasser.
Les histoires d’ado dans les comics, ce n’est pas ce qui manque. Des Teen Titans à Invincible, en passant par Generation X, les New Warriors, Harbinger ou Young Avengers, cette période de nos vies a inspiré un sacré paquet d’auteurs et d’artistes.
Les adolescents ont longtemps compté parmi les principales catégories visées par le marché de la bande dessinée américaine, et il n’est donc pas anormal qu’une grande partie des publications soient pensées pour leur plaire. DeFalco renforce cette tonalité très “teenager” en mettant ici en place une narration à la deuxième personne, comme si May Parker commentait ses propres actions en se parlant à elle-même, ou bien comme si le narrateur était assez intime avec elle pour la tutoyer. C’est assez original, mais ça peut aussi renvoyer à une vision un peu paternaliste des adolescents. Pas totalement inappropriée ici, puisque son père est réellement impliqué dans ce qui nous est raconté, mais un peu pompeux par moment.
Et puis, écrire des récits qui mettent en scène des jeunes de quinze ans quand on en a soi-même quarante ou cinquante est un exercice éminemment casse-gueule, et DeFalco n’échappe pas aux écueils du genre. Le ton global de son scénario peut paraître un peu désuet, même si on se replace à la fin des années 1990, et ses personnages sont globalement fidèles aux clichés typiques des sitcoms qui envahissent le petit écran à l’époque. L’intello, la brute, l’amoureux transi ; pour peu qu’on ajoute quelques loubards, on est en plein feuilleton de AB Productions. C’est aussi valable dans le rapport de force que May Parker entretient avec ses parents dans les premiers épisodes, leur tenant tête et cherchant par tous les moyens à démontrer qu’elle est digne d’être une super-héroïne. Si tout ça va évoluer et s’épaissir au fil des numéros, et que l’on peut saluer la volonté qu’a Tom DeFalco de donner de plus en plus de contraste à ses protagonistes, c’est souvent au détriment de l’émancipation dont Spider-Girl était censée faire preuve vis-à-vis de l’univers Marvel classique.

En effet, il semble évident qu’en racontant les aventures de la fille de Spider-Man, on finisse obligatoirement par croiser la route de Spider-Man. Sauf qu’en faisant régulièrement appel à des personnages et des concepts déjà existants au sein de la Maison des Idées, Spider-Girl contredit trop fortement son postulat de départ. Et ça, qui plus est, de façon très précipitée. Car, si le Peter Parker de Marvel Comics 2 est un estropié dont les pouvoirs paraissent presque inexistants, ça n’empêche pas May de collaborer avec ce dernier par tous les moyens possibles, quitte à voyager dans le temps pour faire équipe avec le Spider-Man du passé. De plus, beaucoup d’adversaires de May sont là parce qu’ils nourrissent de la rancœur envers son père ou parce qu’ils sont liés au Tisseur d’une manière ou d’une autre, comme c’est le cas pour Venom et Kaine.
Ainsi, alors que MC2 aurait pu servir de porte d’entrée à une nouvelle génération de lecteurs, Spider-Girl, J2 et A-Next font bien trop souvent référence à des éléments qui doivent être déjà connus et ne se détachent pas de l’histoire canonique de Marvel Comics, en imaginant seulement un futur parmi d’autres. Un futur qui n’est pas moins valable ou plausible que ceux de 2099 ou Age of Apocalypse, même si bien moins teinté de science-fiction ; et qu’il est amusant de mettre en parallèle avec Kingdom Come de Mark Waid et Alex Ross, paru quelques mois auparavant chez DC Comics, qui dépeint lui aussi un avenir alternatif, mais avec un ton bien différent.
Même si l’accessibilité à froid laisse à désirer pour les néophytes, ça n’empêche pas une série comme Spider-Girl d’être une lecture assez fraîche et divertissante. Il se dégage de ces premiers numéros un doux parfum de Silver Age pur jus, tant dans la construction des relations entre les personnages que dans la galerie de super-vilains que doit affronter May Parker ; comme quand Monsieur Hackmutter, le concierge du lycée, se transforme malencontreusement en homme-dragon.

Pour la partie graphique, Pat Olliffe livre un travail dont le trait peut être considéré comme relativement “scolaire” vis-à-vis des standards de l’époque chez Marvel, mais qui brille par des choix de découpages et de cadrages qui apportent beaucoup de vie à ses planches. Il va dessiner les deux tiers de la première série, une présence dont la durée est pratiquement inenvisageable chez l’éditeur de nos jours et qui assurera une épatante cohérence visuelle dans le temps.
Une homogénéité qui va de pair avec une volonté de simplicité et une rationalisation des intrigues, à l’opposé de ce qu’à pu traverser l’Homme-Araignée durant les années 1990, de Maximum Carnage à la Saga du Clone, enchaînant les crossovers et autres récits en plusieurs parties disséminés dans de nombreux magazines. Spider-Girl, c’est un retour aux sources qui préfigure de quelques années l’univers Ultimate, et notamment le désormais incontournable Ultimate Spider-Man de Brian Michael Bendis, Bill Jemas et Mark Bagley, lancé en septembre 2000 et qui influera grandement sur l’orientation des adaptations cinématographiques des comics Marvel à l’écran. Et bien sûr, vous connaissez la chanson : chez Marvel Comics, le plus poussiéreux des jouets, même oublié au fond d’un placard sombre et humide, peut encore servir.

En 2005, l’univers MC2 sert de toile de fond à l’événement Last Hero Standing, dans lequel Spider-Girl et ses camarades partent à la recherche des plus grands héros de la Terre-616, qui ont disparu sans aucune explication. Puis, en 2007, les justiciers et les justicières de Marvel Comics 2 reviennent dans Avengers Next et Fantastic Five, deux mini-séries en cinq épisodes, toujours scénarisées par Tom DeFalco. L’année suivante, American Dream ; alias Shannon Carter, la nièce de Peggy ; a droit à une série limitée en solo qui compte également cinq numéros.
Quant à May Parker, qui reste la seule à durablement occuper le terrain, elle aura droit à plusieurs autres séries, dont The Amazing Spider-Girl en 2006, puis The Spectacular Spider-Girl en 2009 ; et on croisera même d’autres versions de May dans les pages de Universe X et Paradise X, ou dans le relaunch de Ultimate Spider-Man en 2023. Plus de vingt-cinq ans après ses premiers pas sous la plume de Tom DeFalco et les crayons de Ron Frenz et Pat Olliffe, la fille de Peter Parker ; née dans un univers alternatif qui n’aurait pu durer que le temps d’un What If…? ; a définitivement trouvé sa place en tant que super-héroïne dans la Spider-Family, devenant une figure du Spider-Verse à laquelle beaucoup de fans de comics restent encore particulièrement attachés aujourd’hui.
Même si l’univers MC2 n’a pas brillé par sa longévité, il a indéniablement démontré qu’il y avait de nouvelles pistes à creuser pour remettre au goût du jour les personnages phares de la Maison des Idées. Reste à savoir si cet entêtement de la part des Big Two à réinventer périodiquement leurs plus grandes stars de papier porte vraiment ses fruits. Des initiatives telles que Marvel Comics 2, le Utimate Universe, ou encore DC Absolute attirent-elles réellement un nouveau public ? Et bien ça, on en reparlera une prochaine fois…


Les comics recommandés dans cet article :

D’autres comics Spider-Man à découvrir chez Panini Comics :


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