CHRIS - POP CULTURE & COMICS
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THE BATMAN : LE FILM QUI COCHE TOUTES LES CASES ?
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THE BATMAN : LE FILM QUI COCHE TOUTES LES CASES ?

Le meilleur détective de DC Comics enfin à l’écran.
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Tout le monde a un avis sur The Batman de Matt Reeves, alors je vais modestement tenter de vous donner le mien en l'appuyant sur ma vision du Chevalier Noir, notamment en ma qualité de lecteur de comics. Attention, cet article contient quelques spoilers. 

Chacun cherche sa Chauve-Souris 

Tout ou presque va être dit sur ce film, et à peine quelques semaines après sa sortie, je ne suis déjà plus convaincu que vous conseiller de le voir ou non soit réellement pertinent. Je vais donc plutôt m’intéresser à son statut d’adaptation et à son rapport avec les bandes dessinées de DC Comics. 

Pour bien comprendre mon point de vue sur le film, il faut assimiler l’idée qu’il n’y a pas UN Batman. 
Comme pour toutes les figures incontournables de la Pop Culture, il existe avec l’Homme Chauve-Souris un phénomène d’appropriation chez le spectateur, découlant directement de son mode de consommation. En somme, en fonction de comment il l’a découvert et de comment il s’attache au héros et suit ses aventures, chacun aura SON Batman. 

C’est d’autant plus flagrant dans le cas de The Batman, dont le casting a été largement commenté, et décrié, sur les réseaux sociaux. 
On passera sur l’avis des pseudo-puristes, qui cachent leur racisme nauséabond derrière un soi-disant respect d’une œuvre originale, qu’ils n’ont jamais comprise, quand ils parlent du Commissaire Gordon ou de Catwoman, pour se concentrer sur le cas de Robert Pattinson, le nouveau Bruce Wayne. 

Jouer le nouveau Batman au cinéma, c’est un peu comme être choisi pour devenir le nouveau James Bond. Et contrairement à ce que l’on pourrait croire, les polémiques et les débats qui en résultent ne sont pas spécialement liés aux réseaux sociaux : Michael Keaton en avait déjà fait les frais lorsqu’il a endossé le costume du héros pour le film de 1989.
Seulement, la magie de Twitter permettant au premier quidam venu d’étaler sa profonde connaissance de n’importe quel sujet a été particulièrement remarquable quant au choix de Robert Pattinson comme acteur principal.
On a pu voir fleurir divers slogans à base de “Pas mon Batman” ici et là, ce qui confirme de façon assez involontaire ce que je disais tout à l’heure : chacun s’approprie Batman à sa façon, et il peut donc en exister des visions en désaccord avec la votre. 

Si les réseaux sociaux condensent le profond esprit critique de ceux qui savent donner leur avis sur un film en le basant uniquement sur quelques visuels flous ou, au mieux, sur un trailer loin de tout révéler, pour moi, un film se juge avant tout sur pièce, dans son ensemble, et dans l’idéal dans une salle de cinéma.
Et ici, aucun doute, c’est bien Batman que l’on voit à l’écran. Pattison s’efface, passant une bonne partie du film masqué, caché, reclus dans l’ombre, mettant de côté l’ego propre à tout comédien qui a si souvent saboté les portages de comics à l’écran.
À aucun moment Pattison ne nous fait sortir du film en usant d’un gimmick attendu ou en mettant sa personne en avant. Il incarne son personnage, et plutôt brillamment.
Il est à la fois un bon Bruce Wayne, tourmenté, jeune, mais pas totalement inexpérimenté, et un bon Batman, expressif malgré le masque et juste assez inquiétant pour ne gagner que difficilement la confiance de ses alliés, tout en étant à la fois autant moqué que craint par ses adversaires.
Peut-être l’une des meilleures interprétations de l'orphelin milliardaire et de son alter-ego noctambule à l’écran. 

Créatures Sociales 

L’un des autres points forts du film, au-delà de son héros très bien campé, c’est sa représentation de l'ordre social et criminel de Gotham City. 
L'écosystème de la ville et sa vaste galerie de personnages sont introduits naturellement, sans que rien ne soit appuyé, et sans que le spectateur ne se sente pris de force par la main.
L’ambiance d’une Gotham au bord de la crise, délaissée par les puissants et rongée par le mensonge se ressent et transpire tristement de réalisme. 

C’est d’ailleurs sur ce mensonge ambiant que se construit le personnage du Riddler, devenu une sorte de tueur du Zodiac parvenant à fédérer derrière lui une communauté de fidèles grâce à internet.
Cette relecture du super-vilain, particulièrement d’actualité à l’heure du darknet et des dérives complotistes sur les réseaux sociaux, est d’autant plus efficace qu’elle amène à une vraie réflexion sur “la vérité”, que chaque personnage manipule pour arriver à ses fins.

Tout ceci conduit plus globalement à la question d’un “masque social”. Celui de Batman, évidemment, mais aussi celui de chacun des habitants de Gotham City, du procureur corrompu à la serveuse qui en savait trop.
Au crépuscule, Gotham et ses citoyens se transforment, un peu comme si la ville révélait son véritable visage tandis que Bruce Wayne dissimule le sien pour exprimer sa vraie nature. 

Le rapport de force entre Batman et le Riddler est distillé juste ce qu’il faut pour que l’on puisse comprendre leur psychologie respective et ce qui en a finalement fait des opposés.
On devine par exemple que chacun a légèrement surestimé son adversaire, tout en négligeant une somme de détails qui l’empêche d’obtenir une victoire totale. 

Cette relation subtile est peut-être l’une des meilleures portées à l’écran en ce qui concerne le Chevalier Noir, qui doit faire preuve de tous ses talents pour espérer vaincre un criminel déterminé, aux motivations bien plus profondes que le simple appât du gain. 
Là encore, c’est l’une des grandes forces du Batman des comics qui prend vie au cinéma, permettant au film de dépasser le statut de simple blockbuster d’action pour lorgner du côté du thriller et du film noir. 
Un aspect ouvertement assumé, tout comme son inspiration du cinéma de David Fincher, et porté par une photographie soignée et un travail d’éclairage à mille lieues de la majorité des divertissements actuels, dont la réalisation est parfois moins imaginative que celle d’un épisode de Dawson… 

Tout n’est pas parfait pour autant, et si le film adopte un visuel qui convient parfaitement à Batman et à Gotham City, on pourra lui reprocher son manque de plans iconiques, sans doute résultat d’une volonté de traiter ce qui aurait pu être épique de façon minimaliste pour rappeler que Bruce Wayne reste un être humain sous son costume. 

Enfin, si on évite avec soulagement une nouvelle version du meurtre du couple Wayne à la sortie du cinéma, The Batman s’entiche tout de même de quelques scènes pompeuses. Comme cette introduction forcée d’un Joker censé nous rappeler que ce Batman n’est plus un débutant et qu’il a déjà eu affaire au clown prince du crime, ou la scène de la torche, au symbolisme téléphoné et dans laquelle le comportement du héros, sauvant en priorité la maire et le fils de son prédécesseur, donne raison au Riddler qui accuse les plus riches d’être éternellement prioritaires. 

World's Greatest Detective  

C’est la première fois que le Batman détective connu des lecteurs est aussi bien porté à l’écran. 
Quasi-inexistante dans les films précédents, cette caractéristique du héros de DC Comics est pourtant une composante essentielle depuis ses débuts, en 1939, dans le vingt-septième numéro de Detective Comics. 
Parfois oublié du public, l’aspect “enquêteur” de Batman est pourtant très présent dans ses aventures sur le papier, et c’est d’autant plus vrai dans la saga qui me semble être l’une des principales sources d’inspiration de The Batman : Un Long Halloween, écrit par Jeph Loeb et dessiné par Tim Sale. 

Dans ce récit en 13 épisodes, paru entre 1996 et 1997, Batman fait face au tueur Holiday, qui sévit uniquement les jours fériés.
Plongeant au cœur des familles mafieuses de Gotham et mettant en scène une grande partie de la galerie de vilains de l’Homme Chauve-Souris, Un Long Halloween est un véritable polar, sombre et surtout principalement axé sur la résolution d’une série de crimes, bien plus terre à terre que la majorité des histoires de super-héros. 

C’est un comic book que l’on pourrait sans mal qualifier de “littéraire” et qui peut être une excellente porte d’entrée pour quiconque a déjà l’habitude de lire, mais rechigne à se confronter aux clichés du genre super-héroïque. 
Graphiquement, il faudra de toute évidence un temps d’adaptation au néophyte ou au lecteur de comics habitué à un trait plus scolaire que celui de Tim Sale. Et si l’aspect massif du bouquin compilé en version française chez Urban Comics pourra décourager au premier abord, gardez en tête que cette histoire est à lire en prenant le temps de s’y plonger comme dans un bon roman policier. 

Pour moi, l'œuvre de Jeph Loeb et Tim Sale est incontestablement l’une des meilleures histoires de Batman, et je vous en recommande la lecture sans aucune hésitation ! 

Bien sûr, il y a énormément de différences entre le long métrage de Matt Reeves et Un Long Halloween, mais à défaut d’être l’adaptation littérale d’une bande dessinée, The Batman a capté l’essence du personnage de Batman dans son entièreté, avec pour objectif d’en faire autre chose qu’un énième film de super-héros uniquement destiné à remplir les caisses d’un studio. 

Avec son ambiance pesante et immersive, son rythme soutenu malgré sa durée de pratiquement trois heures, et sa compréhension complète du Chevalier Noir et de son univers, The Batman se paie le luxe d’être à la fois un bon thriller, un bon film de super-héros et une bonne adaptation. Un carton plein rarement vu qui risque d’en faire une référence pour longtemps, bien au-delà du genre auquel il appartient.


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Avec POP CULTURE & COMICS, Chris explore la bande dessinée américaine et ses dérivés dans la culture populaire.