Est-ce qu’on vous a déjà parlé des meilleures adaptations de comics à l’écran sorties dernièrement ? Si ce n’est pas le cas, pas d’inquiétude, on revient ensemble sur The Suicide Squad de James Gunn et sur son spin-off, la série Peacemaker !
Is this thing a dog ?!
Ça fait bien longtemps que je n’attends plus rien des films de super-héros. Si le fan que je suis a pris beaucoup de plaisir à découvrir les personnages qu’il aime depuis l’enfance prendre vie en chair et en os sur grand écran, l’enthousiasme des débuts a laissé place à une forme de lassitude face à une recette sans saveur à base de copier-coller.
Bien sûr, il y a toujours une petite scène qui fait le job par-ci par-là. Mais depuis quelques années, rares ont été les adaptations tirées de comics à réellement me divertir.
C’est particulièrement vrai pour les films du Marvel Cinematic Universe, qui, bien que dotés de nombreuses qualités, semblent tous sortis d’un même moule.
Si on ajoute aux intrigues linéaires et aux travers empruntés aux comics, comme la nécessité de préserver un perpétuel statu-quo, l’impression de savoir tout ce qui va se passer dans le film à cause d’une promotion hyper-agressive sur les réseaux sociaux et des spoilers qui inondent littéralement ceux-ci quelques heures après la sortie du film, autant vous dire que mon désintérêt total pour ces productions à grand spectacle est pratiquement acté.
Je vous arrête tout de suite : je ne suis pas un “anti-Marvel”. Je lis des comics depuis bientôt 30 ans, j’aime ces personnages et leur univers, et je comprends totalement ce qui plaît au public dans ces longs métrages.
Seulement, peut-être parce que je suis un lecteur de comics de longue date, je sais aussi que pour une bonne histoire de super-héros, il y en a cinquante oubliables. Les films n’échappent pas à cette règle, et c’est une raison supplémentaire pour vous parler de The Suicide Squad, tout en vous épargnant les spoilers, bien entendu.
J’ai décidé de vous parler du film sans rentrer dans les détails pour une bonne raison : le plaisir de la découverte, devenu bien trop rare au cinéma ces temps-ci.
Les bande annonces montrent tout, et ce qui n’y figure pas est allégrement révélé par des internautes peu scrupuleux, au point où certains spoilers manifestes, jouant un rôle clé dans le film, sont connus avant même sa sortie, puis totalement assimilés par le public qui les traite ensuite avec une banalité consternante.
Le fait que certains et certaines s’étonnent de l’absence sur l’affiche de Spider-Man : No Way Home de deux personnages dont la présence dans le film aurait pu être une grosse surprise pour le spectateur, si elle n’avait pas été relayée massivement par des sites pourtant professionnels, en est une bien triste démonstration. Mais ce n’est absolument pas le sujet du jour.
Ce qu’il faut retenir, c’est que j’ai vu The Suicide Squad sans pratiquement rien savoir du film et que cela l’a rendu d’autant plus appréciable.
No connection.
Après un premier opus sorti en 2016 et horriblement charcuté par la catastrophique politique des décideurs de la Warner, le film de James Gunn avait fort à faire pour redorer le blason de la Task Force X.
D’ailleurs, j’ai l’impression que The Suicide Squad est passé pratiquement inaperçu pour le grand public adepte de blockbusters tant son prédécesseur a mauvaise réputation, et je compte bien vous démontrer que c’est une injustice.
Se plaçant très inconfortablement le cul entre deux chaises, suite pas vraiment assumée du film de Ayer, mais bel et bien partie intégrante de l’univers DC au cinéma, The Suicide Squad trouve pourtant intelligemment sa place dès sa scène d’ouverture, tout en donnant le ton. Ça va être trash, gore, et un peu bête, au moins en surface, mais je vais y revenir.
Si beaucoup vous diront que les figures telles que Batman, Superman et Wonder Woman sont la grande force de DC Comics, il ne faut pas oublier que l’éditeur dispose à son catalogue de nombreux seconds couteaux au fort potentiel, et ce notamment grâce à une politique de rachat agressive des éditeurs concurrents désargentés, menée durant plusieurs décennies.
C’est ainsi que des personnages comme Shazam, anciennement Captain Marvel, La Question, ou encore Blue Beetle ont rejoint l’écurie DC Comics. Et c’est aussi le cas de Peacemaker, dont on va reparler un peu plus tard.
C’est donc en grande partie en misant sur ces seconds couteaux que Gunn donne vie à une nouvelle Suicide Squad. Seuls Harley Quinn (Margot Robbie) et Rick Flagg (Joel Kinnaman) reprennent leur rôle au sein de l’équipe, ce qui fait office de maigre lien de continuité entre les deux films.
Les autres membres de cette Task Force X version 2021 sont Bloodsport (Idris Elba), Peacemaker (John Cena), Ratcatcher II (Daniela Melchior), Polka-Dot Man (David Dastmalchian) et King Shark (Steve Agee pour le motion capture et Sylvester Stallone pour la voix). Une bande d’anti-héros pas forcément bankable au premier abord, mais campée par un casting de qualité et à la dynamique particulièrement efficace.
Envoyés bon gré mal gré pour une mission suicide au Corto Maltese, petite île d’Amérique du Sud sujette à une révolte populaire après un récent coup d’état, pour y détruire toute trace d’un mystérieux projet scientifique dénommé “Starfish”, ces personnages aussi cinglés qu’attachants vont devoir coopérer, non sans quelques difficultés, évidemment.
Si le film n’échappe pas à quelques clichés du blockbuster, il dénote de la majorité des productions adaptées de comic books par sa violence, plus grand-guignolesque que réellement gore, et son ton assez outrancier en comparaison des autres films du même genre. Il a d’ailleurs été classé R aux États-Unis, soit interdit aux moins de 17 ans non accompagnés.
On retrouve ici le James Gunn que j’avais adoré sur le trop rarement cité Super et qui a fait ses classes chez Troma avec Lloyd Kaufman : provocateur, irrévérencieux, adepte de la violence directe et aussi très fûté dans le message qu’il délivre.
Car, contrairement à ce que j’ai pu lire ici et là, The Suicide Squad, c’est pas seulement de la bagarre, des fusillade et des litres d’hémoglobine jaillissants de membres sectionnés.
Some lived. Some died.
Si au premier abord, on peut voir The Suicide Squad comme un film de super-héros un peu plus trash que la moyenne, ce qui est tout à fait vrai, il possède, de mon point de vue, un autre niveau de lecture.
Premièrement, chaque personnage est habilement développé au détour de quelques scènes qui se fondent particulièrement bien dans la narration.
Bloodsport est dépeint comme un père de famille dépassé, Ratcatcher n’a jamais manqué d’amour malgré son milieu social extrêmement modeste, jusqu’à ce que son père disparaisse dans des circonstances tragiques, Harley Quinn a toujours été maltraitée par les hommes, au point de ne plus pouvoir faire confiance à personne, et Polka-Dot Man offre, grâce à sa tortionnaire de mère, certaines des séquences les plus lunaires du film.
Tout ça est drôle, touchant, et donne surtout une véritable profondeur à des personnages qui sont pour la majorité tout bonnement inconnus d’une grande partie du public. Provoquer un tel attachement pour autant de nouveaux héros, en un temps si restreint, c’est remarquable, et c’est pour moi l’une des grandes forces du film.
Une recette d’autant plus efficace quand on a compris que Gunn n’allait pas hésiter à tuer aussi froidement que brutalement certains des personnages auxquels on s’est attaché !
Comme je le disais, j’ai eu la chance de découvrir The Suicide Squad sans pratiquement ne rien savoir du film et du sort réservé à ses héros, autant vous dire que cela à rendu mon visionnage assez intense. En y réfléchissant, ça faisait même longtemps que je n’avais pas autant vibré au rythme d’un film de super-héros.
La liberté laissée à Gunn sur ce point est sans doute inhérente au fait que les personnages de DC Comics choisis pour l’occasion sont tous secondaires et remplaçables, et que personne ne misait vraiment sur le film. Ce qui est paradoxalement l’une des meilleures choses qui pouvaient lui arriver.
L’autre aspect vraiment intéressant de The Suicide Squad, c’est sa critique de l’interventionnisme, typique du genre super-héroïque.
Si cette thématique a déjà été traitée sur le papier, notamment dans The Authority de Warren Ellis, ou même dans le crossover Civil War de Marvel, elle a moins souvent été abordée au cinéma. Aussi, voir cette équipe de super-héros mercenaires envoyée de force par le gouvernement des États-Unis pour faire le sale boulot dans un pays en crise, sans forcément se soucier des conséquences pour ses habitants, renvoie de toute évidence à des faits bien réels et très actuels.
Depuis toujours, les justiciers masqués ont pu être utilisés comme des armes de propagandes politiques et culturelles. Si c’est peut-être moins flagrant aujourd’hui, cette caractéristique n’a pas disparu pour autant.
Bien sûr, le temps où Captain America et Wonder Woman traversaient l’Atlantique pour combattre les Nazis est révolu, et Iron Man n’est plus vraiment vu comme le symbole de la supériorité américaine face au Communisme.
Mais ces personnages restent porteurs de messages à différents degrés de lecture. Champions de la liberté, défenseurs de l’égalité et de valeurs positives, certes, mais aussi d’un mode de vie idéalisé et standardisé, y compris dans notre façon de consommer les divertissements dont ils sont les héros.
En nous rappelant que le point de vue des “gentils” n’est pas toujours une vérité absolue, et que le “bien” n’est pas à l’abris des conflits d’intérêts, The Suicide Squad propose un petit plus qui fait la différence.
L’autocritique n’est pas le fort des super-héros, et si le film ne va pas forcément au bout des choses, divertissement un peu barré oblige, soulever ces questions et faire en sorte qu’elles aient de vraies répercussions sur les personnages, évitant ainsi le sempiternel statu-quo final et la facilité scénaristique permettant de réutiliser les mêmes héros à l’infini sans se soucier des enjeux, est vraiment une très bonne chose.
Au final, The Suicide Squad démontre, comme si cela était nécessaire, que créativité et liberté sont indissociables. Pour s’en convaincre, il suffit de le comparer à un Guardians of the Galaxy Vol. 2, du même James Gunn, aseptisé et standardisé au possible pour un résultat des plus soporifique et oubliable.
Fuck Aquaman !
Enfin, je ne peux pas conclure sans vous parler de la série Peacemaker, directement dérivée de The Suicide Squad.
Si je me garderai bien de vous révéler quoi que ce soit à son sujet, je ne peux que vous encourager à la visionner, bien que les solutions légales soient pour le moment totalement inexistantes dans l’hexagone, ce qui est une véritable aberration compte tenu de sa qualité !
Son générique halluciné et sa bande son impeccable valent à eux seuls la peine qu’on y jette un œil, mais, en plus, la série se paie le luxe d’être irréprochable en terme de rythme et incroyablement fun, se plaçant directement sur le podium des meilleures séries de super-héros tirées d’un comic book, avec Doom Patrol et The Boys.
Une fois encore comme pour The Suicide Squad, l’humour flirtant avec l’absurde pourra décourager ceux qui attendent un divertissement très premier degré. Pourtant, c’est justement en se reposant sur ses personnages extravagants et en décalage avec la gravité de la situation que Peacemaker développe son intrigue très bien ficelée et pleine de clins d’œil à l’univers DC, qui raviront les amateurs de comics.
Mon avis sur The Suicide Squad et Peacemaker vous paraîtra peut-être dithyrambique, et dénué de toute objectivité. Si j’évite volontairement d’appuyer chacun de mes arguments sur des comparaisons avec les productions Marvel, qu’une fois encore, je suis loin d’exécrer, c’est avant tout pour ne pas tomber dans ce petit jeu qui voudrait qu’on oppose systématiquement les deux univers, tous supports confondus.
Il est difficile, voire impossible, de se détacher de tout ce qu’on a pu voir précédemment pour critiquer une œuvre, et je vous parle évidemment de The Suicide Squad en le plaçant sur une échelle comprenant de nombreux films de super-héros, mais aussi des films d’actions plus classiques, tous sous-genres confondus.
Si vous avez eu l’occasion de voir le film, il est tout à fait possible que nous soyons en désaccord. Et si vous êtes réticent ou frileux à vous lancer dans son visionnage, j’espère vous avoir poussé à une forme de curiosité !
Enfin, pour aller un peu plus loin et découvrir la Suicide Squad sur le papier, je vous recommande Les Archives de la Suicide Squad et le volume Suicide Squad présente : Peacemaker, chez Urban Comics, deux excellents moyens de lire les aventures classiques de vos nouveaux héros préférés !
N’hésitez pas à partager cet article sur les réseaux sociaux s’il vous a plu !
Recevez mes articles directement dans votre boîte mail sans intermédiaire ni publicité en vous abonnant gratuitement !
Partagez ce post